<163>pas lieu, et qu'une nouvelle révolution fit tout changer à Pétersbourg.

De toutes les puissances de l'Europe, la plus consternée des événements arrivés en Russie fut la cour de Vienne. Jamais l'Impératrice-Reine n'avait porté ses espérances plus haut qu'à la fin de la dernière campagne. Tout lui présageait la subversion de la Prusse, la conquête de la Silésie, et l'accomplissement de tous ses projets. Sa persuasion était si forte, et sa sécurité, si entière, que croyant pouvoir finir la guerre en se passant d'une partie de ses troupes, elle fit une épargne déplacée en ordonnant une réforme de vingt mille hommes. Alors mourut l'impératrice de Russie; peu après, le corps de M. de Czernichew quitta l'armée de Loudon pour se retirer en Pologne. La cour de Vienne voulut alors, mais trop tard, rassembler de nouveau ces vingt mille hommes qu'elle avait réformés; mais ils s'étaient dispersés dans le monde, et le temps ne permettait point de les remplacer. Sur cela survint la nouvelle de la paix conclue entre la Prusse et la Russie; bientôt, celle du traité d'alliance signé entre ces deux couronnes; enfin, celle de la jonction du corps de Czernichew à l'année du Roi. Pour comble de disgrâce, une maladie épidémique faisait de grands ravages dans l'armée de Loudon. C'était une espèce de lèpre, dont les progrès étaient si rapides, qu'ils éclaircissaient son camp, et peuplaient ses hôpitaux.

Pour peu qu'on résume ceci, on trouve, de compte fait, vingt mille hommes de congédiés des Autrichiens, et vingt mille Russes de moins, qui font quarante mille hommes; et ces vingt mille Russes de plus à l'armée du Roi font entre les deux armées une différence de soixante mille hommes en faveur des Prussiens. Si le Roi avait gagné de suite trois batailles rangées, elles ne lui auraient pas procuré un plus grand avantage.

La mort de l'impératrice de Russie, et les combinaisons nouvelles de politique qu'elle produisit en Europe, firent une impression toute différente sur la Porte. Tant de promptes révolutions, ces haines si vives entre les États, qui se changeaient subitement en des liaisons étroites entre les souverains, tout cela parut inconcevable à la politique orientale, et remplit les Turcs d'étonne-