<233>Il résulte de ce tableau général que nous venons de crayonner, qu'en Autriche, en France, et même en Angleterre, les gouvernements, accablés de dettes, étaient presque sans crédit, mais que les peuples, n'ayant pas directement souffert par la guerre, ne s'en étaient ressentis que par les impôts prodigieux que leurs souverains leur avaient imposés; au lieu qu'en Prusse, le gouvernement se trouvait en fonds et ne manquait point de crédit, et que les provinces étaient détériorées et abîmées par la rapacité et la barbarie des ennemis. Après la Poméranie, l'électorat de Saxe était des provinces de l'Allemagne celle qui avait le plus souffert; mais elle trouve dans la bonté de son sol et dans l'industrie de ses habitants des ressources qu'à l'exception de la Silésie, la Prusse ne trouve point dans le reste de ses provinces. Le temps, qui guérit et qui efface tous les maux, rendra dans peu sans doute aux États prussiens leur abondance, leur prospérite et leur première splendeur; les autres puissances se rétabliront de même; ensuite d'autres ambitieux exciteront de nouvelles guerres et causeront de nouveaux désastres, car c'est là le propre de l'esprit humain, que les exemples ne corrigent personne : les sottises des pères sont perdues pour leurs enfants; il faut que chaque génération fasse les siennes.
Nous n'ajouterons qu'un mot à cet ouvrage, peut-être déjà trop long et trop verbeux, pour satisfaire à la curiosité de la postérité, qui sans doute désirera de savoir comment un prince aussi peu puissant que le roi de Prusse a pu soutenir une guerre ruineuse, pendant sept campagnes, contre les plus grands monarques de l'Europe. Si la perte de tant de provinces le mettait dans de grands embarras, s'il fallait fournir sans cesse à des dépenses énormes, il restait cependant quelques ressources qui rendirent la chose possible. Le Roi retirait quatre millions, l'un portant l'autre, des provinces qui lui restaient. Les contributions de la Saxe montaient entre six et sept millions; les subsides de l'Angleterre, qui en faisaient quatre, étaient convertis en huit millions; la monnaie, qu'on avait mise à ferme, en diminuant les espèces de la moitié, rendait sept millions; et, outre cela, on avait suspendu le payement des pensions civiles, pour appliquer tous les fonds aux dépenses de la guerre. Ces fonds différents que nous