<73>tous ces préparatifs, il était facile d'en conclure qu'il couvait le dessein de surprendre par une marche détournée l'armée du Roi, et de la prendre à dos par le chemin de Bolkenhayn qu'on réparait. On pouvait éviter ce hasard; il aurait été téméraire de s'y exposer; d'ailleurs, les Prussiens valent mieux pour l'offensive que pour la défensive; de plus, les fourrages des environs étaient consommés; de sorte qu'au lieu de s'exposer à l'incertitude d'un pareil événement, le Roi fit le projet de tourner avec sa gauche la droite du maréchal Daun, à contre-sens du mouvement qu'il avait exécuté avec sa droite contre M. Loudon.

Dès le soir du 16, l'armée quitta le camp de Reichenau et de Baumgarten. La première tentative devait se faire sur la hauteur de Kunzendorf; mais l'ennemi, qui pouvait s'y rendre plus vite, prévint les Prussiens; de plus, comme il fallait traverser le village de Zirlau, le prince de Löwenstein, qui campait près de là, engagea d'abord l'escarmouche, qui bientôt fut suivie d'une vive canonnade. La direction que l'armée du Roi prenait, était à trois mille pas du pied des montagnes, pour moins exposer les troupes aux effets de l'artillerie autrichienne; et l'ennemi, qui descendait de ses hauteurs, dérangeait un peu les dimensions qu'on avait. M. de Zieten, qui faisait l'arrière-garde, eut à peine quitté le camp, qu'il fut continuellement harcelé dans sa route. Comme cela ralentissait sa marche, la tête de l'armée fut plus d'une fois obligée de faire halte, pour empêcher que les distances ne se perdissent, et pour que l'on fût en état de se secourir dans le besoin. Aussitôt que l'avant-garde fut à portée de Kunzendorf, on fit occuper cette hauteur par des hussards et des dragons. L'infanterie prussienne ne put pas suivre assez vite pour les soutenir. L'avant-garde du maréchal Daun parut en même temps, venant de Fürstenstein. Les hussards et les dragons, trop faibles pour soutenir ce poste important, furent obligés de l'abandonner. L'arrière-garde, qui arrêtait beaucoup la marche de l'armée du Roi, donna lieu à une nouvelle halte du côté de Schönbrunn pour lui donner le temps de rejoindre la queue des colonnes. Les généraux des ennemis, se flattant de profiter de cette occasion, attaquèrent avec trente escadrons l'infanterie prussienne; ils furent reçus à grands coups de canon mêlés de beaucoup de feu