<79>kenau, à Sagan, où M. de Goltz le joignit le 11. Ce général avait détaché M. de Werner pour Colberg dès le mois de septembre; nous en verrons d'abord les raisons. De Sagan l'armée du Roi marcha par Guben à Gross-Muckro, où elle arriva le 15. Le projet du Roi était de venir à dos des Russes, pour abîmer tout le corps qui s'était aventuré jusqu'à Berlin. Mais cela ne fut pas nécessaire, car voici la tournure que prirent les choses. MM. de Czernichew et de Tottleben étaient venus par le chemin de Guben et de Beeskow, et ils arrivèrent le 3 d'octobre devant les portes de Berlin. Le prince de Würtemberg, qui faisait tête aux Suédois, en avait eu vent; la guerre qu'il faisait aux Suédois était toujours la même : l'ennemi passait la Peene, on lui battait un détachement, il rétrogradait pour avancer d'un autre côté; en un mot, il ne se passait rien dans cette guerre qui méritât l'attention de la postérité. Le prince de Würtemberg se trouvait à Pasewalk lorsqu'il fut informé de la marche des Russes. Il avait attiré à lui de la Poméranie M. de Werner, qui avait eu les plus brillants succès contre les Russes. La singularité de son expédition nous engage à la rapporter, pour égayer un peu la tragique gravité de cette matière.

Les Russes avaient envoyé leur amiral Zacharie Danielowitsch avec vingt-six vaisseaux de guerre, auxquels se joignit une escadre suédoise, pour mettre le siége devant Colberg. Ils ouvrirent la tranchée le 26 d'août, et ils continuèrent leurs opérations jusqu'au 18 de septembre. Le commandanta et la garnison prussienne y firent des merveilles par leur défense et par leurs sorties. La nouvelle de ce siége fit partir M. de Werner de la Silésie pour accourir au secours de Colberg. Sa force consistait en quatre bataillons et neuf escadrons. Il vient, il surprend l'ennemi à Selnow, il s'empare de l'important passage du Kautzenberg, et se jette dans la ville. L'ennemi lève le siége la même nuit, s'embarque sur ses vaisseaux, abandonne quinze canons, sept mortiers, et ses munitions de guerre. Werner fait six cents prisonniers; il se présente le lendemain sur le bord de la Baltique, et, par un effet incroyable de la terreur, la flotte lève l'ancre, met à la voile, et cingle en haute mer. Il était sans doute réservé à


a Le colonel von der Heyde : voyez t. IV, p. 248.