<92>dats habillés de bleu, et d'autres de blanc; mais comme il fallait s'informer exactement de ce que c'était, on y envoya des officiers, et l'on apprit un fait singulier, dont je doute qu'on trouve des exemples dans l'histoire. C'étaient des soldats des deux armées, qui avaient cherché un asile dans ce bois; ils avaient passé entre eux un accord : qu'ils attendraient avec neutralité ce que le sort déciderait des Prussiens et des Impériaux, résignés des deux parts à suivre le parti de la fortune et à se rendre aux victorieux.
Cette bataille coûta treize mille hommes aux Prussiens, dont trois mille furent tués, et trois mille tombèrent entre les mains des ennemis des premières attaques qu'ils repoussèrent. MM. de Bülowa et de Fincka furent de ce nombre. Le Roi eut la poitrine effleurée d'un coup de feu, le margrave Charles, une contusion; plusieurs généraux furent blessés. La bataille fut opiniâtrément disputée de part et d'autre. Cet acharnement coûta vingt mille hommes aux Impériaux, dont quatre généraux et huit mille hommes furent faits prisonniers. Ils y perdirent vingt-sept drapeaux et cinquante canons. Le maréchal Daun fut blessé dès les premières attaques.
Lorsque les ennemis virent plier la première ligne des Prussiens, trop frivoles dans leurs espérances, ils dépêchèrent des courriers à Vienne et àVarsovie, pour annoncer leur victoire; mais la nuit même ils abandonnèrent le champ de bataille, et repassèrent l'Elbe à Torgau. Le lendemain au matin, Torgau se rendit à M. de Hülsen; on fit passer l'Elbe au prince de Würtemberg; il poursuivit l'ennemi, qui fuyait en désordre, et augmenta encore le nombre des prisonniers qu'on avait déjà faits dans l'action; et les Impériaux auraient été totalement défaits, si M. de Beck, qui n'avait point combattu la veille, n'eût couvert leur retraite en postant son corps entre Arzberg et Triestewitz, derrière le Landgraben. Il ne dépendait que du maréchal Daun d'éviter cette bataille. Si, au lieu de placer M. de Lacy derrière les étangs de Torgau, que six bataillons auraient défendus de reste,
a Le lieutenant-général de Bülow a déjà été mentionné ci-dessus, p. 101.
Le comte Frédéric-Louis Finck de Finckenstein, lieutenant-général de cavalerie, né en 1709, était le frère aîné du ministre de Cabinet mentionné t. III, p. 17.