<114>confié pour le donner à son fils lorsqu'il parviendrait à la régence. Le Roi se fit une loi de suivre en tout les volontés de son père, et ce fut en conséquence de ce testament que M. de Maurepas, disgracié par Louis XV, devint premier ministre de Louis XVI, que M. d'Aiguillon fut exilé, et que M. de Choiseul perdit à jamais l'espoir de rentrer en faveur. M. de Maurepas touchait à son seizième lustre; il avait été longtemps ministre sous le règne précédent; il possédait la routine des affaires; il avait l'esprit orné, et une tête capable de grands desseins : mais il n'était plus dans l'âge, comme nous l'avons remarqué, où l'âme, remplie d'effervescence, entreprend hardiment de grandes entreprises. La mauvaise administration du règne précédent avait acheminé les finances du royaume vers une banqueroute générale. Il était d'autant plus atterré de cette idée, que cette banqueroute aurait au moins écrasé quarante mille familles qui avaient placé tout leur bien dans les fonds publics; et quoique les ministres ne soient guère sensibles aux malheurs des peuples, ils le sont pourtant au blâme qui en retombe nécessairement sur eux. Le traité de Versailles, quoique peu avantageux à la France, subsistait toujours. M. de Maurepas avait, de plus, à ménager la jeune reine, sœur de l'empereur Joseph, et fille de Marie-Thérèse, qui, avec un peu de complaisance, pouvait d'un jour à l'autre gagner un tel ascendant sur l'esprit du Roi son époux, qu'elle l'eût entièrement gouverné; de sorte que ce vieux mentor d'un pupille qui n'avait aucun caractère fixe, employait tour à tour la prudence et la fermeté pour empêcher que le royaume ne tombât en quenouille. La France, d'autre part, toujours rivale de l'Angleterre, voyait avec plaisir les troubles qui s'élevaient en Amérique entre les colonies et la mère patrie. Elle encourageait sous main l'esprit de révolte qui s'y manifestait, et animait les Américains à soutenir les droits de leur indépendance contre le despotisme que le roi George III voulait y établir, en leur présentant en perspective les secours qu'ils pouvaient attendre de l'amitié du Roi Très-Chrétien.

La cour de Londres nous présente un tableau tout différent de celui que nous venons de crayonner. C'est l'Écossais Bute qui gouverne le Roi et le royaume : pareil à ces esprits malfaisants dont on parle toujours et qu'on ne voit jamais, il s'enveloppe,