<117>ver les garnisons anglaises de ces places, lesquelles furent de là conduites en Amérique. Toutes ces troupes servirent sous les auspices du lord Howe et de son frère l'amiral, comme nous le rapporterons en son temps. Chaque campagne coûta à l'Angleterre six millions de livres sterling, ou trente-six millions d'écus. On comptait alors que les dettes de la Grande-Bretagne montaient déjà à neuf cents millions d'écus. Une campagne ne suffisait pas pour soumettre les colonies; ainsi l'on prévoyait dès lors que dans peu la dette nationale dépasserait un milliard.

La campagne suivante ne produisit aucun événement décisif, et les Américains se soutinrent contre le lord Howe et tous les renforts qui l'avaient joint; mais vers la fin de l'année 1777, la fortune commença à se déclarer en faveur des colonies. Sur les ordres de la cour, le général Burgoyne partit du Canada avec treize mille hommes, pour se rendre à Boston, selon le projet qu'on lui avait donné à exécuter; tandis que le lord Howe, qui n'était informé de rien, s'était emparé de Philadelphie. Ce quiproquo acheva de gâter les affaires : Burgoyne, qui manquait de chevaux pour se faire suivre de ses vivres, ayant entrepris une expédition impraticable relativement aux subsistances, fut obligé de se rendre prisonnier avec toutes ses troupes aux Américains qu'il croyait subjuguer. Cet échec, dont des événements semblables auraient autrefois soulevé toute la nation contre le gouvernement, et causé même une révolution, ne produisit alors qu'un léger murmure, tant l'amour des richesses l'emportait sur l'amour de la patrie, et faisait préférer à ce peuple, autrefois si noble et si généreux, l'avantage personnel au bien général.

Le roi d'Angleterre, qui soutenait le système de Bute par caprice et par obstination, se roidissait contre les obstacles qu'il voyait naître sous ses pas. Peu sensible aux malheurs qui retombaient sur son peuple, il n'en devenait que plus ardent pour l'exécution de ses projets; et afin de gagner la supériorité des forces sur les Américains, il faisait négocier dans toutes les cours de l'Allemagne, pour en tirer le peu de secours qu'elles pouvaient encore lui fournir. L'Allemagne se ressentait déjà de la quantité d'hommes qu'on en avait tirés pour les envoyer dans ces climats lointains, et le roi de Prusse voyait avec peine l'Empire dépourvu