<123>nouvelles brouilleries. Les Français soufflaient également le feu de leur côté. Ces manœuvres sourdes animèrent enfin le Grand Seigneur, et occasionnèrent les déclarations au prince Repnin dont il a été fait mention, et cette esquisse de guerre dans la Tartarie-Crimée, qui fut apaisée ensuite.

Vienne était alors dans l'Europe le foyer des projets et des intrigues. Cette cour si arrogante et si altière, pour dominer sur les autres, portait ses vues de tous côtés pour étendre ses limites et pour engloutir dans sa monarchie les États qui se trouvaient situés à sa bienséance. Du côté de l'orient, sa cupidité méditait de joindre la Servie et la Bosnie à ses vastes possessions. Au midi, tentée par une partie des possessions de la république de Venise, elle n'attendait que l'occasion de s'en saisir, afin de joindre Trieste et le Milanais au Tyrol par un démembrement qui était à sa bienséance. Ce n'en était pas assez : elle se promettait bien, après la mort du duc de Modène, dont un archiduc avait épousé l'héritière, de revendiquer le Ferrarois, possédé par les papes, et de dépouiller le roi de Sardaigne du Tortonois et de l'Alexandrin, comme pays ayant toujours appartenu aux ducs de Milan. Vers l'occident, la Bavière lui présentait un morceau bien tentant. Voisine de l'Autriche, elle lui ouvrait un passage vers le Tyrol. En la possédant, la maison d'Autriche voyait le Danube courir presque toujours sous sa domination. On supposait, outre cela, qu'il était contraire à l'intérêt de l'Empereur de laisser réunir la Bavière et le Palatinat sous un même souverain; et comme cet héritage eût rendu l'Électeur palatin trop puissant, il valait mieux que l'Empereur le prît pour lui-même. De là, en remontant le Danube, on rencontre le duché de Würtemberg, sur lequel la cour de Vienne pensait avoir des prétentions bien légitimes. Toutes ces acquisitions auraient formé comme une galerie qui, de Vienne, en s'agençant les unes aux autres, la conduisait jusqu'aux bords du Rhin, où l'Alsace, qui avait fait anciennement partie de l'Empire, pouvait être répétée; ce qui menait enfin à cette Lorraine qui naguère avait été le domaine des ancêtres de Joseph. En nous tournant vers le septentrion, nous rencontrons cette Silésie dont l'Autriche ne pouvait oublier la perte, et qu'elle se proposait bien de récupérer aussitôt qu'elle en trouverait l'occasion.