<132>Mais comme vers l'année 1777 toutes les affaires de la Pologne furent terminées, et que le théâtre de la politique présentait des décorations nouvelles; que, outre cela, un nouveau roi et d'autres ministres gouvernaient la France, il y eut dès lors moyen de rapprocher les cours de Pétersbourg et de Versailles, parce que les mêmes acteurs ne subsistaient plus. Le ressentiment de l'impératrice de Russie ne pouvait pas s'étendre sur leurs successeurs.

La difficulté n'était donc que de savoir à qui s'expliquer. Le Roi jugea qu'il était plus convenable de faire passer ses insinuations par M. de Goltz, son ministre à la cour de Versailles, que par toute autre voie. Celui-là s'adressa directement à M. de Maurepas, en lui exposant le désir de son maître de se rapprocher de la France, et, en même temps, que le peu de confiance que sa cour pouvait avoir en M. de Pons, lui faisait désirer qu'on pût envoyer quelqu'un à Berlin envers lequel on pût s'expliquer librement et sûrement. M. de Maurepas reçut cette offre avec plaisir, et fit choix d'un M. de Jaucourt, qui, étant militaire, pouvait, sans donner de soupçon, entreprendre le voyage de Berlin, sous prétexte de voir les manœuvres des troupes prussiennes. M. de Jaucourt arrivaa pendant les revues de Magdebourg. Le hasard voulut que le prince de Lichtenstein s'y trouvât également, ce qui occasionna des ménagements et beaucoup de circonspection de la part du Roi et de l'envoyé, pour que l'Autrichien ne se doutât en aucune manière des choses dont il était question. On sut si bien s'observer, que ce prince retourna à Vienne tel qu'il en était venu, et sans soupçonner le moins du monde qu'il y eût de l'intelligence entre la France et la Prusse. Après son départ, le Roi trouva l'occasion de s'expliquer avec M. de Jaucourt sans que cela causât le moindre ombrage. Les choses furent reprises depuis la paix jusqu'au temps où l'on était; bien des matières relatives aux conjonctures passées et aux circonstances présentes furent discutées. On poussa les conjectures dans l'avenir. L'ambition démesurée de l'Empereur ne fut pas mise en oubli. Enfin, après avoir discuté à fond les intérêts des deux cours, M. de Jau-


a Le 26 mai 1777.