<142>de Vienne, et de contrecarrer les intrigues qu'elle se préparait à mettre en œuvre à Constantinople. Ce fut à cette fin que le Roi eut recours aux bons offices de la France auprès de la Porte. La cour de Versailles s'en chargea, et l'on verra, par la suite de ces mémoires, que ses soins ne furent pas perdus. La négociation des Français fut secondée par un fléau épouvantable : une peste plus maligne qu'à l'ordinaire affligea la ville de Constantinople, où elle fit de terribles ravages; et en pénétrant dans l'intérieur du sérail, elle obligea le Grand Seigneur à se réfugier dans une de ses maisons de plaisance, à quelque distance de la capitale. Une calamité aussi générale inspira à cette nation des sentiments plus pacifiques : elle ralentit l'esprit remuant et inquiet de Hassan-Pacha, grand amiral de la Porte, qui était le vrai promoteur de la guerre que le Grand Seigneur méditait contre la Russie; ce qui aplanissait le chemin aux insinuations pacifiques des Français.
Quoique ces différentes mesures levassent bien des obstacles, il restait encore d'autres difficultés à résoudre pour que tout fût aplani. Ces difficultés venaient des ministres de Russie, qui avaient peu ou point d'idée du tout du système germanique. Quelque soin que se fût donné le czar Pierre, et les impératrices qui lui ont succédé, de policer le vaste empire de la Russie, il s'en fallait de beaucoup que les lumières y fussent aussi répandues que dans le reste de l'Europe. La succession de la Bavière, texte qui demandait des commentaires, devait être discutée par le droit public, par le droit féodal, par le droit coutumier, et par les traités qui en constataient la validité. Les ministres de Russie, peu instruits de ces connaissances, étaient dans l'état qu'on nomme, dans les écoles, d'ignorance invincible. Pour les mettre donc à même déjuger de l'état de la cause, il fallait descendre jusqu'aux détails les plus minutieux, leur faire comprendre en quoi consiste le droit des agnats, leur expliquer ce qu'il y avait de vicieux dans le traité que l'Électeur palatin avait signé avec l'Empereur, parce qu'il lui manquait le consentement du prince de Deux-Ponts, sans lequel l'Électeur palatin n'était pas en droit de transiger et de sacrifier ainsi la partie majeure de son héritage. Toutes ces écritures demandaient un détail immense, auquel se