<21>la grande alliance, et d'avoir fait une paix séparée avec le roi de Prusse. M. de Choiseul, pour s'en venger, excita contre Catherine les Polonais et les Turcs; il voulait qu'en même temps les Suédois fissent une diversion en Finlande et dans l'Esthonie, et il espérait, par ces différents moyens, d'allumer une guerre contre la Russie, dont il lui serait difficile de sortir avec avantage. Dès lors les émissaires français se répandirent partout : les uns encourageaient les Polonais à défendre leur liberté; les autres couraient à Constantinople exciter la Porte à ne pas voir avec des yeux indifférents le despotisme qu'une puissance voisine exerçait en Pologne; d'autres se rendaient à Stockholm, pour cabaler à la diète, pour changer la forme du gouvernement, et rendre le roi souverain, afin qu'en faveur des Turcs et des Polonais il fît une diversion contre les Russes.

M. de Choiseul, non content de tant d'intrigues, voulait encore détacher le roi de Prusse d'une puissance qu'il espérait d'écraser facilement. A cette fin, il proposa un traité de commerce qui devait être rédigé à Versailles. M. de Guines entama cette négociation à Berlin. Le Roi ne put se défendre d'envoyer M. de Goltza à Paris. Ce traité de commerce, qui ne pouvait procurer que de faibles avantages, fut accroché par des conditions inadmissibles, qui tendaient directement aux engagements de la Prusse avec la Russie. Ce traité, comme on le peut croire, n'eut point lieu. M. de Choiseul échoua également en Suède, où, à la diète, le parti russe l'emporta sur celui de la France. Mais il en fut autrement en Pologne, ainsi qu'en Turquie.

Dès le mois de mars, il se forma dans la ville de Bar en Pologne une confédération contre la Russie : le comte Krasinski en fut élu maréchal. Cette confédération en produisit plusieurs autres; les rebelles signalèrent le premier acte de leur soulèvement en annulant toutes les nouvelles lois; mais loin de se borner à ce premier essai de leur force, enivrés d'espérances, et dans le délire des passions, ils n'aspiraient pas à moins qu'à détrôner le Roi, et n'attendaient que l'occasion pour exécuter leur dessein


a Voyez ci-dessus, p. 15. Le baron de Goltz partit de Berlin le 2 janvier 1769, et ce fut le 9 février que Frédéric donna au maréchal de camp comte de Guines sa première audience.