<22>criminel. Le roi de Pologne en fut instruit; alarmé du danger qui le menaçait, il assembla un senatus-consilium, où l'on convint qu'on réclamerait l'assistance de la Russie pour protéger Poniatowski, qu'elle avait placé sur le trône de Pologne. Ce fut le signal des hostilités : les Russes, qui n'avaient pas dix mille hommes dans ce royaume, battirent cependant tous les confédérés qui leur résistaient; mais comme ils n'étaient pas assez nombreux pour les détruire, cet essaim de guêpes, dispersé d'un côté, reparaissait aussitôt d'un autre. Dans une de ces rencontres qu'il y eut en Podolie, les Russes, sans le savoir, poursuivirent les confédérés jusque sur le territoire des Turcs. Dans ce conflit, la petite ville de Balta, où les Polonais s'étaient sauvés, fut brûlée. Cette violation de territoire fut le prétexte dont les Turcs se servirent pour déclarer la guerre à la Russie.
Aussitôt les Turcs firent prendre et transporter aux Sept-Tours le sieur Obreskoff, ministre de l'impératrice de Russie à Constantinople. Ces gens ne savaient faire ni la paix ni la guerre; ils précipitèrent maladroitement cette déclaration; c'était plutôt un avertissement qu'ils donnaient aux Russes de se préparer pendant l'hiver à pouvoir résister aux forces ottomanes dont ils seraient attaqués le printemps d'après. Si cette déclaration avait été remise à l'année suivante, la foudre serait tombée le même temps qu'on eût entendu gronder le tonnerre; et les Russes auraient été si bien pris au dépourvu, qu'il leur fallut six grands mois pour se préparer à la guerre et rassembler une armée assez formidable, pourvue de tout ce qui lui était nécessaire pour s'opposer avec vigueur aux entreprises des ennemis. Leurs régiments n'étaient point complets; ils manquaient d'armes; leurs canons étaient évasés, de sorte qu'il fallut en fondre de nouveaux; tant le militaire avait été négligé après la dernière paix.
Les troubles qui se manifestaient alors, causèrent de grands embarras à la cour de Berlin. Le Roi était à peine sorti d'une guerre aussi longue que ruineuse : ses provinces pouvaient se rétablir à l'ombre d'une paix durable; mais il fallait du temps pour consolider les anciennes plaies. L'armée était recrutée, on commençait à la discipliner; mais elle n'était pas encore parvenue à un état de maturité qui pût inspirer une entière confiance dans