<24>D'autre part, la guerre déclarée entre la Porte et la Russie mettait le Roi dans l'obligation de remplir ses engagements envers l'Impératrice : il fallait payer les subsides stipulés par l'alliance, qui montaient, comme nous l'avons dit, annuellement à quatre cent quatre-vingt mille écus.
Pour se dédommager en quelque sorte d'une aussi grande dépense, le Roi demanda la prolongation du traité avec la Russie, dont la durée avait été fixée à huit années, en y ajoutant encore quelques articles avantageux à ses intérêts. On étendit le traité jusqu'à l'année 1782, et Sa Majesté obtint la garantie éventuelle des margraviats de Baireuth et d'Ansbach, dont le prince, son neveu, qui en était possesseur, n'avait point de lignée. L'Impératrice exigea en revanche de la Prusse la garantie de la forme actuelle du gouvernement suédois. Cet article, rédigé, se borna au maintien de la constitution promulguée dans ce royaume l'année 1720. Le comte de Horn l'établit alors pour limiter la puissance royale. Le Roi s'engagea à faire une diversion dans la Poméranie suédoise en faveur de la Russie, au cas que les Suédois voulussent violer cette loi fondamentale de leur gouvernement.1
Pendant qu'on négociait à Berlin, les Russes et les Turcs en étaient déjà aux mains. Les armées russes, sous le commandement du prince Galizin, avaient battu les Ottomans auprès de Chotzim, et la prise de cette ville fut suivie de la conquête de la Moldavie. Les généraux de Catherine ignoraient jusqu'aux premiers éléments de la castramétrie et de la tactique, les généraux du sultan avaient encore moins de connaissances; de sorte que pour se faire une idée nette de cette guerre, il faut se représenter des borgnes qui, après avoir bien battu des aveugles, gagnent sur eux un ascendant complet. Des progrès aussi rapides alarmaient également les alliés des Russes, ainsi que les autres puissances de l'Europe. La Prusse avait à craindre que son alliée, devenue trop puissante, ne voulût avec le temps lui imposer des lois comme à la Pologne. Cette perspective était aussi dangereuse qu'effrayante. La cour de Vienne était trop éclairée sur ses intérêts pour ne pas avoir des appréhensions à peu près semblables. Ce danger commun fit oublier pour un temps les animosités pas-
1 Signé le 12 octobre 1769.