<26>Terre-Neuve, avait donné lieu à d'assez vives altercations entre ces deux cours. Le Roi, pour marquer le désir qu'il avait d'entretenir la bonne intelligence entre la Prusse et l'Autriche, accepta les offres de l'Empereur, et ces deux princes s'engagèrent réciproquement par écrit de maintenir cette neutralité; ce qui devenait un acte aussi inviolable qu'un traité dressé dans les formes et parafé de la signature des ministres. L'Empereur promettait, au nom de l'Impératrice et au sien, et le Roi engageait sa parole d'honneur, que si la guerre éclatait entre la France et l'Angleterre, ils maintiendraient fidèlement la paix heureusement rétablie entre la Prusse et l'Autriche, et que s'il survenait d'autres troubles, dont il était impossible de prévoir les causes, ils observeraient la plus exacte neutralité de part et d'autre à l'égard de leurs possessions respectives. Cet engagement, dont le secret fut scrupuleusement observé, fut signé à Neisse, à la commune satisfaction des deux souverains.

Il faut convenir qu'en politique ç'aurait été une faute impardonnable que de se fier aveuglément à la bonne foi des Autrichiens; mais dans les conjonctures alors présentes, où la prépondérance de la Russie devenait trop considérable, et lorsqu'il était impossible de prévoir quelles bornes elle prescrirait à ses conquêtes, il était très-convenable de se rapprocher de la cour de Vienne. La Prusse se ressentait encore des coups que la Russie lui avait portés dans la dernière guerre; il n'était point de l'intérêt du Roi de travailler lui-même à l'accroissement d'une puissance aussi redoutable que dangereuse. Il y avait deux partis à prendre, ou celui de l'arrêter dans le cours de ses immenses conquêtes, ou, ce qui était le plus sage, d'essayer par adresse d'en tirer parti. Le Roi n'avait rien négligé à cet égard : il avait envoyé à Pétersbourg un projet politique, qu'il attribuait à un comte de Lynar, connu dans la dernière guerre pour avoir négocié la convention de Kloster-Zeven entre les Hanovriens, commandés par le duc de Cumberland et campés à Stade, et les Français, sous les ordres du duc de Richelieu. Ce projet contenait une esquisse d'un partage à faire de quelques provinces de la Pologne entre la Russie, l'Autriche et la Prusse. L'objet d'utilité de ce partage consistait en ce que la Russie, par ce partage, pourrait continuer tranquille-