<27>ment sa guerre avec les Turcs, sans appréhender d'être arrêtée dans ses entreprises par une diversion que l'Impératrice-Reine était à portée de lui faire en envoyant un corps de ses troupes vers le Dniester, ce qui aurait coupé les armées russes de la Pologne, d'où elles tiraient la plus grande partie de leurs subsistances. Mais les grands succès des Russes, tant dans la Moldavie qu'en Valachie, et les victoires que leurs flottes remportèrent dans l'Archipel, avaient tellement enivré la cour de ses prospérités, qu'elle ne fit aucune attention au soi-disant mémoire du comte de Lynar.

On crut donc, voyant ces essais manqués, devoir recourir à d'autres mesures. Il n'était pas de l'intérêt de la Prusse de voir la puissance ottomane entièrement écrasée, parce qu'en cas de besoin elle pourrait être utilement employée à faire des diversions, soit dans la Hongrie, soit en Russie, selon les puissances avec lesquelles on serait en guerre. Le Roi jugea donc qu'en faisant intervenir la cour de Vienne, et en y joignant sa médiation, on pourrait rétablir la paix entre les puissances belligérantes, à des conditions acceptables des deux parts. On commença par faire des ouvertures à la cour de Pétersbourg, de même qu'à Constantinople, en leur représentant que les deux partis devaient désirer également la fin de la guerre, d'autant plus qu'il était à craindre qu'avec le temps cet embrasement ne devînt général; on souhaitait de pouvoir leur proposer quelque tempérament qui leur convînt également à tous les deux, pour terminer leurs différends à l'amiable. Le comte Panin, après avoir fait l'éloge de la modération et du désintéressement de l'Impératrice, répondit que cette princesse était toute disposée à écouter les propositions qu'on lui ferait. Cette réserve cachait sous des dehors de douceur les prétentions les plus outrées. Avant d'entendre les demandes des Turcs, il voulait préalablement que le sieur Obreskoff fût mis en liberté; il ajouta qu'au reste l'Impératrice verrait avec plaisir que le Roi employât ses bons offices auprès de la Porte pour lui inspirer des sentiments pacifiques, et que, lorsque les choses en seraient là, cette princesse ne demanderait pas mieux que de parvenir, par la médiation de Sa Majesté Prussienne, au rétablissement de la tranquillité publique. D'autre part, les Turcs commençaient à désirer la fin d'une guerre dont les succès n'avaient