<31>stantinople, et il lui en témoigna sa reconnaissance. Ce même jour, le Roi eut un entretien avec le prince Kaunitz; il ne manqua pas de le féliciter de cet heureux événement, qui pouvait le tranquilliser en quelque sorte, et même diminuer la jalousie que les succès des Russes avaient fait naître dans son esprit. Il lui disait que cette démarche de la Porte rendait la cour de Vienne l'arbitre des conditions de paix qu'elle voudrait stipuler entre ces deux puissances. Le ministre reçut ce compliment avec toute la morgue autrichienne, et répondit, avec un ton de hauteur et une indifférence affectée, qu'il approuvait la démarche que les Turcs venaient de faire; aussi jamais médiation ne fut acceptée avec un plus vif empressement.

Pendant qu'on s'occupait à pacifier le Nord, d'autres querelles et de nouveaux différends présageaient de prochaines ruptures vers le sud de l'Europe. M. de Choiseul, dont l'esprit inquiet se plaisait à répandre le trouble dans toutes les cours, était l'unique auteur de ces dissensions : il voulait à toute force humilier les Anglais, et n'osant agir ouvertement, de crainte de choquer Louis XV, il mit les Espagnols en avant, qui s'emparèrent de l'île de Falkland, où les Anglais avaient commencé à former quelques établissements; des vaisseaux de la flotte marchande des Anglais furent pris par ceux des Espagnols, en même temps que le chantier que les Anglais ont à Portsmouth, fut consumé par un incendie. Tant d'événements fâcheux qui arrivèrent coup sur coup, firent une impression d'autant plus vive sur la cour de Londres, que le ministre préposé à la flotte, par une négligence impardonnable, avait eu si peu de soin de son administration, qu'alors à peine l'Angleterre pouvait-elle mettre vingt vaisseaux de guerre en mer. Cependant les Anglais prirent feu, et la guerre s'en serait ensuivie, si le duc de Choiseul fût resté à la tête des affaires; mais ses ennemis le culbutèrent.

M. de Maupeou, qui était grand chancelier de France, se flatta qu'en déplaçant ce ministre, il pourrait réunir tous les emplois que M. de Choiseul avait possédés, et qu'en les joignant aux sceaux, qu'il avait actuellement, il serait réellement premier ministre, ainsi qu'autrefois l'avaient été Richelieu et Mazarin. Pour former un parti, il s'associa les ducs d'Aiguillon et de Richelieu.