<44>et voulait conserver la paix à quelque prix que ce fût. Le prince Kaunitz, doué d'un jugement droit, qui voulait accorder les intérêts de la monarchie avec le penchant de sa souveraine, se trouvait par conséquent dans l'embarras d'opter entre la guerre ou le partage de la Pologne, et craignait, de plus, que s'il prenait ce dernier parti, l'union de la maison de Bourbon avec celle d'Autriche, qu'il regardait comme son chef-d'œuvre, n'en fût rompue. D'un côté, la cavalerie prussienne remontée si promptement lui donnait à connaître que le Roi avait pris un parti décisif; d'un autre, il voyait que ce prince ne désirait pas mieux qu'une pacification générale, et qu'il y travaillait avec ardeur.
Enfin, le Roi dit à l'envoyé d'Autriche, dans une conférence qu'il eut avec lui, que Sa Majesté félicitait l'Impératrice-Reine de ce que, dans ce moment, elle avait le sort de l'Europe en ses mains, parce que réellement la paix ou la guerre dépendait, dans ces circonstances, du parti qu'elle allait prendre. Le Roi ajouta qu'il avait une si grande confiance dans la sagesse reconnue de cette grande princesse, qu'il ne doutait point qu'elle ne préférât la tranquillité générale de l'Europe aux troubles qui pouvaient survenir, et dont il était impossible de prévoir quelles en pourraient être les suites. Cet entretien, dont van Swieten rendit compte à sa cour, produisit tout l'effet qu'on en pouvait espérer : le prince Kaunitz fut convaincu qu'il fallait renoncer à l'alliance des Turcs, comme à tous les projets qui étaient fondés sur ce préalable; il comprit également qu'il ne pouvait plus empêcher le partage de la Pologne, à moins d'attaquer, sans l'assistance d'aucun allié, la Prusse et la Russie en même temps. Cette chance était trop désavantageuse pour qu'un homme, pour peu qu'il fût prudent, voulût s'y hasarder : il ne lui restait donc d'autre parti raisonnable que celui de se joindre aux deux cours alliées, afin de participer au partage de la Pologne, et de soutenir par ce moyen un équilibre égal entre ces trois puissances. Par une suite de cette résolution, le baron van Swieten fut chargé de proposer, au nom de sa cour, la signature d'un acte par lequel les trois cours promettaient d'observer une égalité parfaite dans le partage qu'elles feraient de la Pologne. Cette proposition, qui était juste, fut reçue sans empêchement, parce qu'elle devait aplanir toutes