<69>donc que puisqu'ils n'avaient aucun égard aux remontrances de l'Impératrice, il les abandonnait à leur sort; sur quoi il s'en retourna tout de suite à Pétersbourg rendre compte de sa mission. Le ministre de Prusse partit également pour Berlin. Si la déclaration des Russes avait été plus vigoureuse, les Danzicois se seraient sans doute accommodés; mais Catherine aimait mieux laisser cette épine au pied de son allié que de l'arracher, parce que les différends de la Prusse avec cette ville fournissaient un sujet de chicane tout préparé, dont la Russie pouvait se servir au moment où la bonne intelligence de ces deux puissances commencerait à s'altérer.
L'harmonie entre les deux Impératrices était bien plus dérangée encore qu'entre la Prusse et la Russie. Ces éternelles chicanes de la cour de Russie pour les lisières des acquisitions autrichiennes commençaient à choquer la hauteur de l'Impératrice-Reine; et dans le temps que les esprits commençaient à s'aigrir, on reçut la copie d'un traité signé de la cour de Vienne et de celle de Constantinople : la date en était de l'année 1771. Le comte Galizin et le baron de Riedesel furent assez habiles de se le procurer. Quoique la pièce ait été imprimée, nous croyons pourtant devoir en rapporter le sommaire. L'Impératrice-Reine s'engage, voici les termes, d'obliger la Russie, soit par la négociation, soit par les armes, à restituer toutes les conquêtes qu'elle a faites sur la Porte; à raison de quoi le Grand Seigneur lui payera un subside de dix millions de piastres, pour l'indemniser des frais de la guerre; de plus, il lui cédera une partie de la Valachie et quelques extensions sur le territoire de la Moldavie. Quoique ce traité n'eût pas été ratifié, le prince Kaunitz fut assez habile, ou, pour mieux dire, assez fourbe pour faire payer d'avance à sa cour une somme considérable; quoiqu'il signât, depuis, ce traité de partage des trois couronnes, il n'en suivit pas moins son plan. Il ne voyait que l'intérêt de sa cour; peu délicat sur les moyens qu'il employait, il aurait trompé à la fois les Turcs et les Russes : aussi s'aperçut-on que le ministre impérial, le sieur de Thugut, qui assista aux différents congrès qui se tinrent entre les puissances belligérantes, traversait autant qu'il le pouvait les intérêts de la Russie, mais non assez adroitement pour que les cours de Péters-