<83>On croirait que d'aussi énormes largesses auraient épuisé les fonds et les revenus de la couronne; cependant il faut ajouter encore les dépenses que coûtèrent les forteresses, tant celles qu'on perfectionnait que les nouvelles que l'on construisit, et l'argent qu'il fallait pour rétablir l'artillerie, dont le total montait à la somme de cinq millions neuf cent mille écus. Toutefois le gouvernement fit face à tout. Le Roi ne faisait point de ces dépenses d'ostentation si communes dans les grandes cours; il vivait comme un particulier, pour ne pas manquer aux devoirs principaux de sa charge. Par le moyen d'une économie rigide, le grand et le petit trésor furent remplis; le premier, pour fournir aux dépenses de la guerre, le second, pour acheter les chevaux et tout ce qu'il faut pour rendre l'armée mobile. De plus, neuf cent mille écus furent déposés à Magdebourg, et quatre millions deux cent mille écus à Breslau, pour l'achat des fourrages. Cet argent était en caisse lorsque la guerre s'alluma entre l'impératrice Catherine et Mustapha. Selon les traités, il fallut tous les ans fournir cinq cent mille écus de subsides aux Russes,b tant que durèrent les troubles de la Pologne et ceux de la Turquie. Le bien de l'État et la foi des traités exigeaient que cette dépense se fît, qui, d'ailleurs, venait mal à propos, surtout à l'égard des grandes entreprises de finance dont on était occupé, et qui absorbaient seules des sommes considérables. Il restait donc à la politique d'indemniser l'État de ces sommes qu'on envoyait en Russie, et qui, sans les circonstances où l'on se trouvait, pouvaient s'employer d'une manière plus utile pour les provinces de la domination prussienne.

Il survint, l'année suivante, une stérilité générale dans tout le nord de l'Europe, causée par des gelées tardives qui firent périr toutes les productions de la terre : nouvelle misère à craindre pour le peuple, nouvelle nécessité de lui donner des secours. On donna aux pauvres du blé gratis; mais comme la consommation des denrées diminuait, il y eut dans les produits des accises une non-valeur de cinq cent mille écus. Le Roi avait formé de grands magasins d'abondance, tant en Silésie que dans ses pays héréditaires : soixante-seize mille winspels étaient amassés pour nourrir l'armée pendant douze mois; neuf mille winspels étaient à part,


b Voyez plus haut, p. 13 et 25.