<100>Passons maintenant des basses classes aux universités; examinons-les impartialement de même. Le défaut qui me saute le plus aux yeux, c'est qu'il n'y a point de méthode générale pour enseigner les sciences; chaque professeur s'en fait une. Je suis de l'opinion qu'il n'y a qu'une bonne méthode, et qu'il faut s'en tenir à celle-là. Mais quelle est la pratique de nos jours? Un professeur en droit, par exemple, a quelques jurisconsultes favoris, dont il explique les opinions; il s'en tient à leurs ouvrages, sans faire mention de ce que d'autres auteurs ont écrit sur le droit; il relève la dignité de son art, pour faire valoir ses connaissances; il croit passer pour un oracle, s'il est obscur dans ses leçons; il parle des lois de Memphis quand il est question des coutumes d'Osnabrück, ou il inculque les lois de Minos à un bachelier de Saint-Gall. Le philosophe a son système favori, auquel il se tient à peu près de même. Ses écoliers sortent de son collége la tête remplie de préjugés; ils n'ont parcouru qu'une petite partie des opinions humaines; ils n'en connaissent pas toutes les erreurs ni toutes les absurdités. Je suis encore indécis sur la médecine, si elle est un art ou si elle n'en est pas un; mais je suis persuadé certainement qu'aucun homme n'a la puissance de refaire un estomac, des poumons et des reins, quand ces parties essentielles à la vie humaine sont viciées; et je conseille très-fort à mes amis, s'ils sont malades, d'appeler à leur secours un médecin qui ait rempli plus d'un cimetière, plutôt qu'un jeune élève de Hoffmann ou de Boerhaave, qui n'a tué personne. Je n'ai rien à reprendre en ceux qui enseignent la géométrie. Cette science est la seule qui n'ait point produit de sectes; elle est fondée sur l'analyse, sur la synthèse et sur le calcul; elle ne s'occupe que de vérités palpables : aussi a-t-elle la même méthode en tout pays. Je me renferme également dans un respectueux silence à l'égard de la théologie. On dit que c'est une science divine, et qu'il n'est pas permis aux profanes de toucher à l'encensoir. Il me sera, je crois, permis d'agir avec moins de circonspection avec messieurs les professeurs en histoire, et de présenter quelque petit doute à leur examen. J'ose leur demander si l'étude de la chronologie est ce qu'il y a de plus utile dans l'histoire; si c'est une faute irrémissible de se tromper sur l'année de la mort de Bélus, sur le jour où le cheval de Darius,