<104>et de découvrir des vérités nouvelles. Les poëtes et les orateurs doivent nous enchanter par leur harmonie, nous attendrir et nous persuader; mais comme on ne fait pas naître des génies à point nommé, voyons si nous ne pourrons pas faire également quelques progrès en employant des secours intermédiaires. Pour resserrer notre style, retranchons toute parenthèse inutile; pour acquérir de l'énergie, traduisons les auteurs anciens qui se sont exprimés avec le plus de force et de grâce. Prenons chez les Grecs Thucydide, Xénophon; n'oublions pas la Poétique d'Aristote; qu'on s'applique surtout à bien rendre la force de Démosthène. Nous prendrons des Latins le Manuel d'Épictète, les Pensées de l'empereur Marc-Aurèle, les Commentaires de César, Salluste, Tacite, l'Art poétique d'Horace. Les Français pourront nous fournir les Pensées de La Rochefoucauld, les Lettres persanes, l'Esprit des lois. Tous ces livres que je propose, la plupart écrits en style sentencieux, obligeront ceux qui les traduiront, à fuir les termes oiseux et les paroles inutiles; nos écrivains emploieront toute leur sagacité à resserrer leurs idées, pour que leur traduction ait la même force que l'on admire dans leurs originaux. Toutefois, en rendant leur style plus énergique, ils seront attentifs à ne point devenir obscurs; et pour conserver cette clarté, le premier des devoirs de tout écrivain, ils ne s'écarteront jamais des règles de la grammaire, afin que les verbes qui doivent régir les phrases, soient placés de sorte qu'il n'en résulte aucun sens amphibologique. Des traductions faites en ce genre serviront de modèles, sur lesquels nos écrivains pourront se mouler. Alors nous pourrons nous flatter d'avoir suivi le précepte qu'Horace donne aux auteurs dans sa Poétique : Tot verba, tot pondera.a
Il sera plus difficile d'adoucir les sons durs dont la plupart des mots de notre langue abondent.b Les voyelles plaisent aux oreilles; trop de consonnes rapprochées les choquent, parce qu'elles coûtent à prononcer, et n'ont rien de sonore. Nous avons, de plus, quantité de verbes auxiliaires et actifs dont les dernières syllabes sont sourdes et désagréables, comme sagen, geben, neh-
a Cette sentence ne se trouve ni dans Horace ni dans aucun autre auteur romain.
b Voyez t. II, p. 44.