<106>Après vous avoir exposé de quelle manière on pourrait former notre langue, je vous prie de me prêter la même attention à l'égard des mesures que l'on pourrait prendre pour étendre la sphère de nos connaissances, rendre les études plus faciles, plus utiles, et former en même temps le goût de la jeunesse. Je propose, en premier lieu, qu'on fasse un choix plus réfléchi des recteurs qui doivent régir les classes, et qu'on leur prescrive une méthode sage et judicieuse qu'ils doivent suivre en enseignant, tant pour la grammaire et pour la dialectique qu'également pour la rhétorique; qu'on fasse de petites distinctions pour les enfants qui s'appliquent, et de légères flétrissures pour ceux qui se négligent. Je crois que le meilleur traité de logique, et en même temps le plus clair, est celui de Wolff. Il faudrait donc obliger tous les recteurs à l'enseigner, d'autant plus que celui de Batteuxa n'est pas traduit, et qu'il ne l'emporte pas sur l'autre. Pour la rhétorique, qu'on s'en tienne à Quintilien. Quiconque, en l'étudiant, ne parvient pas à l'éloquence, n'y parviendra jamais. Le style de cet ouvrage est clair, il contient tous les préceptes et les règles de l'art; mais il faut, avec cela, que les maîtres examinent avec soin les thèmes de leurs écoliers, en leur expliquant les raisons pour lesquelles on corrige leurs fautes, et en louant les endroits où ils ont réussi.

Si les maîtres suivent la méthode que je propose, ils développeront le germe des talents où la nature en a semé; ils perfectionneront le jugement de leurs écoliers, en les accoutumant à ne point décider sans connaissance de cause, ainsi qu'à tirer des conséquences justes de leurs principes. La rhétorique rendra leur esprit méthodique; ils apprendront l'art d'arranger leurs idées, de les joindre et de les lier les unes aux autres par des transitions naturelles, imperceptibles et heureuses; ils sauront proportionner le style au sujet, employer à propos les figures, tant pour varier


a Il n'existe pas, à notre connaissance, de logique de Batteux; il se peut que le Roi ait voulu parler de celle de Bayle, qu'il fit imprimer, en 1785, pour son usage et celui de son petit-neveu le prince Frédéric-Guillaume (III), sous le titre de : Système de philosophie, contenant la logique et la métaphysique, par M. Pierre Bayle. Voyez C. Dantal, Les délassements littéraires, ou Heures de lecture de Frédéric II. Elbing, 1791, p. 47; et Nouvelles lettres inédites de Frédéric II à son libraire Pitra. A Berlin, 1823, p. 32.