<107>la monotonie du style que pour répandre des fleurs sur les endroits qui en sont susceptibles; et ils ne confondront pas deux métaphores en une, ce qui ne peut présenter qu'un sens louche au lecteur. La rhétorique leur enseignera encore à faire un choix des arguments qu'ils veulent employer, selon le caractère de l'auditoire auquel ils ont à s'adresser; ils apprendront à s'insinuer dans les esprits, à plaire, à émouvoir, à exciter l'indignation ou la pitié, à persuader, à entraîner tous les suffrages. Quel art divin que celui où, par le moyen de la seule parole, sans force ni violence, on parvient à subjuguer les esprits, à régner sur les cœurs, et à savoir exciter dans une nombreuse assemblée les passions desquelles on veut qu'elle soit susceptible! Si les bons auteurs étaient traduits en notre langue, j'en recommanderais la lecture, comme celle d'une chose importante et nécessaire. Par exemple, pour les logiciens, rien ne les formerait mieux que le Commentaire de Bayle sur les comètes, et sur le Contrains-les d'entrer. Bayle est, selon mes faibles lumières, le premier des dialecticiens de l'Europe : il raisonne non seulement avec force et précision, mais il excelle surtout à voir d'un coup d'œil tout ce de quoi une proposition est susceptible, son côté fort, son côté faible, comment il faut la soutenir, et comment on pourra réfuter ceux qui l'attaqueront. Dans son grand Dictionnaire, il attaque Ovide sur le débrouillement du chaos; il y a des articles excellents sur les manichéens, sur Épicure, sur Zoroastre, etc. Tous méritent d'être lus et étudiés, et ce sera un avantage inestimable pour les jeunes gens qui pourront s'approprier la force du raisonnement et la vive pénétration d'esprit de ce grand homme.

Vous devinez d'avance les auteurs que je recommanderai à ceux qui étudient l'éloquence. Pour qu'ils apprennent à sacrifier aux Grâces, je voudrais qu'ils lussent les grands poëtes, Homère, Virgile, quelques odes choisies d'Horace, quelques vers d'Anacréon. Afin qu'ils prissent le grand goût de l'éloquence, je mettrais Démosthène et Cicéron entre leurs mains; on leur ferait remarquer en quoi diffère le mérite de ces deux grands orateurs. Au premier on ne saurait rien ajouter, au second il n'y a rien à retrancher.a


a Quintilien dit, au contraire, en parlant de Démosthène et de Cicéron : « Illi nihil detrahi potest, huic nihil adjici. » Institutio oratorio, lib. X, 1, 106.