<19>M. de Goltz, qui campait à la droite, fut le premier qui avertit le Roi de l'arrivée des ennemis. Aussitôt l'armée prit les armes, et se mit en devoir de les attaquer. Dix escadrons qui composaient la première brigade, que commandait M. de Goltz, et deux escadrons de la seconde, avec cinq bataillons de grenadiers, étaient à peine en bataille, que M. de Goltz eut ordre de donner.
Il avait devant lui cinquante escadrons des troupes de la Reine, rangés en trois lignes sur la croupe d'une montagne. Les attaquer, les enfoncer et les disperser, fut pour lui l'ouvrage d'un moment.a Cette cavalerie, débandée et fugitive à travers des vallons, ne put jamais se rallier, et l'infanterie prussienne trouva toutes les facilités pour emporter alors la batterie principale des Autrichiens. On était accoutumé d'exiger de M. de Goltz le double de ce qu'on demande aux autres; et comme si c'eût été trop peu de gagner une bataille en un jour, on le détacha, avec sa brigade, qui devenait inutile à la droite, vers la gauche, où il combattit une seconde fois, avec le même succès que la première. Le Roi lui-même rendit le témoignage à ce général, qu'il avait eu la plus grande part au gain de cette bataille, où la valeur suppléa au nombre, et l'intelligence des officiers, aux dispositions que le temps n'avait pas permis de faire.
L'armée entra ensuite dans ses quartiers de cantonnement, en Silésie. Mais un nouvel orage s'éleva bientôt. Les ennemis de la Prusse, vaincus tant de fois, n'en étaient pas moins animés à notre perte. Ils méditaient de faire une irruption dans le Brandebourg, en traversant la Saxe. Ce projet découvert demanda de nouvelles mesures pour s'y opposer. M. de Goltz travailla aux arrangements des subsistances avec tout le zèle d'un bon patriote, et il surpassa dans cette occasion tout ce qu'il avait fait d'utile en ce genre jusqu'alors.
L'expédition de la Lusace fut une marche continuelle, sans relâche, qui dura huit jours, pendant lesquels l'armée fut abondamment pourvue. Il régla ensuite les contributions avec humanité et désintéressement, et revint, après la paix de Dresde, à Berlin, où il exerça ses talents à des vertus civiles qui le rendaient aussi estimable qu'il l'était par les militaires.
a Voyez t. III, p. 78 et 156.