<40>caducité ne lui fait plus attendre les mêmes services qu'ils lui rendirent dans leur jeunesse.
Sur qui pouvions-nous jamais fonder de plus solides espérances que sur un prince dont les moindres actions nous découvraient un caractère admirable, et nous annonçaient de quoi il serait capable un jour? Hélas! nous voyions le germe des talents et des vertus s'accroître et prospérer dans un champ qui nous promettait de riches moissons.
Les personnes les plus éclairées, ceux qui ont le plus l'usage du monde, et qui en même temps ont le plus fouillé dans le cœur de l'homme, savent déchiffrer dans le fond du caractère les actions qu'on peut en attendre. Que ne trouvaient-ils pas dans le caractère de ce jeune prince? Une âme où la vertu était empreinte, un cœur plein de sentiments nobles, un esprit avide de s'instruire, un génie de la plus grande élévation, une raison mâle et prématurée. Voulez-vous des exemples de ce que la raison pouvait sur lui dans un âge aussi tendre? Rappelez-vous, messieurs, ces jours de troubles, marqués par tant de calamités, où l'Europe, dans une espèce de délire, s'était conjurée pour bouleverser cette monarchie; où nous pouvions compter le nombre de nos ennemis, et où il était difficile de discerner nos amis à des marques certaines. Dans ce temps, le prince de Prusse quitta Magdebourg, dont les boulevards servaient de dernier asile à la maison royale, pour accompagner le Roi dans la campagne de 1762. Le prince Henri, qui brûlait d'entrer dans la carrière où le prince son frère allait s'engager, conçut que non seulement sa jeunesse l'écartait des fatigues de la guerre, mais qu'encore le Roi son oncle ne pouvait, sans inconsidération, exposer à la fois à des dangers évidents toutes les espérances de l'État. Ces réflexions tournèrent toute son application à l'étude; il disait qu'il rendrait utiles tous les moments de son loisir qu'il ne pouvait consacrer à la gloire. Ses progrès répondirent à ses résolutions. Il ne traitait point l'étude comme cette jeunesse frivole et corrompue qui, par la crainte des maîtres, se hâte de remplir un devoir qui lui répugne, pour se livrer ensuite à l'oisiveté, ou bien à la licence et à la dépravation dont les exemples ne lui frayent que trop communément les chemins.