<63>contre une supériorité de talents à laquelle leur faiblesse ne put atteindre. Mais les cris de l'envie étaient étouffés par de plus forts applaudissements; les gens de lettres s'honoraient de la connaissance de ce grand homme. Quiconque était assez philosophe pour n'estimer que le mérite personnel, plaçait M. de Voltaire bien au-dessus de ceux dont les ancêtres, les titres, l'orgueil et les richesses font tout le mérite. M. de Voltaire était du petit nombre des philosophes qui pouvaient dire : Omnia mecum porto. Des princes, des souverains, des rois, des impératrices le comblèrent des marques de leur estime et de leur admiration. Ce n'est pas que nous prétendions insinuer que les grands de la terre soient les meilleurs appréciateurs du mérite; mais cela prouve au moins que la réputation de notre auteur était si généralement établie, que les chefs des peuples, loin de contredire la voix publique, croyaient devoir s'y conformer.
Cependant, comme dans ce monde le mal se trouve partout mêlé au bien, il arrivait que M. de Voltaire, sensible à l'applaudissement universel dont il jouissait, ne l'était pas moins aux piqûres de ces insectes qui croupissent dans les fanges de l'Hippocrène. Loin de les punir, il les immortalisait en plaçant leurs noms obscurs dans ses ouvrages. Mais il ne recevait d'eux que des éclaboussures légères en comparaison des persécutions plus violentes qu'il eut à souffrir d'ecclésiastiques qui, par état, n'étant que des ministres de paix, n'auraient dû pratiquer que la charité et la bienfaisance : aveuglés par un faux zèle autant qu'abrutis par le fanatisme, ils s'acharnèrent sur lui, et voulurent l'accabler en le calomniant. Leur ignorance fit échouer leur projet; faute de lumières, ils confondaient les idées les plus claires, de sorte que les passages où notre auteur insinue la tolérance, furent interprétés par eux comme contenant les dogmes de l'athéisme; et ce même Voltaire, qui avait employé toutes les ressources de son génie pour prouver avec force l'existence d'un Dieu, s'entendit accuser, à son grand étonnement, d'en avoir nié l'existence.
Le fiel que ces âmes dévotes répandirent si maladroitement sur lui, trouva des approbateurs chez les gens de leur espèce, et non pas chez ceux qui avaient la moindre teinture de dialectique. Son crime véritable consistait en ce qu'il n'avait pas lâchement