<65>borner à rectifier le jugement de ceux qui sont dans l'erreur, par le raisonnement, sans substituer aux arguments le fer et les flammes; en un mot, ils doivent se conduire envers leur prochain comme ils voudraient qu'il en usât envers eux. Est-ce M. de Voltaire qui parle, ou est-ce l'apôtre saint Jean, ou est-ce le langage de l'Évangile? Opposons à ceci la morale pratique de l'hypocrisie ou du faux zèle; elle s'exprime ainsi : Exterminons ceux qui ne pensent pas ce que nous voulons qu'ils pensent, accablons ceux qui dévoilent notre ambition et nos vices, que Dieu soit le bouclier de nos iniquités; que les hommes se déchirent, que le sang coule, qu'importe, pourvu que notre autorité s'accroisse? Rendons Dieu implacable et cruel, pour que la recette des douanes du purgatoire et du paradis augmente nos revenus. Voilà comme la religion sert souvent de prétexte aux passions des hommes, et comme, par leur perversité, la source la plus pure du bien devient celle du mal.

La cause de M. de Voltaire étant aussi bonne que nous venons de l'exposer, il emporta les suffrages de tous les tribunaux où la raison était plus écoutée que les sophismes mystiques. Quelque persécution qu'il endurât de la haine théologale, il distingua toujours la religion de ceux qui la déshonorent : il rendait justice aux ecclésiastiques dont les vertus ont été le véritable ornement de l'Église; il ne blâmait que ceux dont les mœurs perverses les rendirent l'abomination publique.

M. de Voltaire passa donc ainsi sa vie entre les persécutions de ses envieux et l'admiration de ses enthousiastes, sans que les sarcasmes des uns l'humiliassent, et que les applaudissements des autres accrussent l'opinion qu'il avait de lui-même; il se contentait d'éclairer le monde, et d'inspirer par ses ouvrages l'amour des lettres et de l'humanité. Non content de donner des préceptes de morale, il prêchait la bienfaisance par son exemple : ce fut lui dont l'appui courageux vint au secours de la malheureuse famille des Calas; lui qui plaida la cause des Sirven, et qui les arracha des mains barbares de leurs juges; lui qui aurait ressuscité le chevalier de La Barre, s'il avait eu le don des miracles. Qu'il est beau qu'un philosophe, du fond de sa retraite, élève sa voix, et que l'humanité, dont il est l'organe, force les juges à réformer