<72>de remplir durant le cours d'une année, les autres enchaînaient leurs travaux et plusieurs campagnes au dessein général de la guerre qu'ils avaient entreprise; et l'on s'aperçoit du but qu'ils se proposaient, en suivant les actions, tantôt circonspectes, tantôt brillantes, qui les y conduisirent. Tel était Cromwell; tel était le cardinal de Richelieu, qui parvint, par sa persévérance, à rabaisser les grands du royaume, les protestants qui le divisaient, et la maison d'Autriche, l'ennemie implacable de la France.
Ce n'est pas ici le lieu d'examiner par quel droit César opprima une république dont il était né citoyen, si le cardinal de Richelieu fit, durant son administration, plus de mal que de bien à la France, ou s'il faut blâmer M. de Turenne d'être passé chez les Espagnols : il ne s'agit à présent que de talents admirables en eux-mêmes, et non pas de l'usage juste ou blâmable qu'en ont fait ceux qui les possédaient.
Quoique les combinaisons de la politique cédassent souvent aux passions violentes qui subjuguaient Charles XII, ce prince n'en a pas moins été un des hommes extraordinaires qui ont fait le plus de bruit en Europe; il a ébloui les yeux des militaires par une foule d'exploits, les uns plus brillants que les autres. Il a essuyé les plus cruels revers, il a été l'arbitre du Nord, il a été fugitif et prisonnier en Turquie. Cet illustre guerrier mérite d'être examiné de près, et il est utile, pour tous ceux qui courent la carrière des armes, d'approfondir les causes de ses infortunes. Je n'ai aucune intention de rabaisser la réputation de cet illustre guerrier; je ne veux que l'apprécier, et savoir avec exactitude dans quelles occasions on peut l'imiter sans risque, et dans quelles autres on doit éviter de le prendre pour modèle. Dans quelque science que ce soit, il est aussi ridicule d'imaginer un homme parfait que de vouloir que le feu étanche la soif, ou que l'eau rassasie; dire à un héros qu'il a failli, c'est le faire ressouvenir qu'il est homme. Rois, ministres, généraux, auteurs, tous ceux qui, par leur élévation ou leurs talents, se donnent en spectacle au public, s'assujettissent au jugement de leurs contemporains et de la postérité. Comme les bons livres sont les seuls critiqués, parce que les mauvais n'en valent pas la peine, il arrive de même qu'en détournant les regards d'une foule commune et vulgaire, on les