<76>les Suédois avaient fait mettre bas les armes. C'était donc le Czar qu'il fallait presser alors avec vigueur, le pousser hors de l'Ingrie, ne lui point laisser le temps de respirer, et profiter de l'occasion pour lui imposer les lois de la paix.
Auguste, nouvellement élu contre le consentement de la plus saine partie de la République, contredit, et mal affermi sur le trône, s'il avait été privé des secours de la Russie, tombait de lui-même, si toutefois la Suède avait un intérêt aussi essentiel à son détrônement. Au lieu de prendre d'aussi justes mesures, le Roi parut oublier entièrement le Czar et les Moscovites, qui agonisaient, pour courir après je ne sais quel seigneur polonais,a engagé dans une faction contraire. Ces petites vengeances lui firent négliger de grands intérêts. Il subjugua bientôt la Lithuanie; de là, comme un torrent orageux qui se déborde, son armée fondit en Pologne, et inonda tout ce royaume. Le Roi était tantôt à Varsovie, tantôt à Cracovie, à Lublin, à Leopoldstadt;a les Suédois se répandent dans la Prusse polonaise; ils revolent à Varsovie, détrônent le roi Auguste, le poursuivent en Saxe, où ils établissent tranquillement leurs quartiers. Il faut remarquer que ces campagnes, que je me contente de rapporter sommairement, occupèrent notre héros pendant l'espace de plusieurs années.
Je m'arrêterai un moment à examiner la conduite que ce prince tint pour conquérir la Pologne, et j'observe en passant que, parmi les batailles qu'il gagna dans ces courses continuelles, il faut donner la préférence à celle de Clissow, dont le succès fut dû au mouvement habile qu'il fit faire à ses troupes pour prendre les Saxons en flanc. La méthode que Charles suivit dans la guerre qu'il fit en Pologne, fut certainement défectueuse. On sait que cette république est un pays sans forteresses et ouvert de tous côtés, ce qui rend sa conquête facile, mais sa possession momentanée. Le comte de Saxe remarque judicieusement que les pays aisés à subjuguer exigent d'autant plus de soins pour s'y affermir; quoique la méthode qu'il propose,b soit lente en apparence,
a Le comte Oginski.
a L'Auteur veut dire Léopol.
b Voyez Les Rêveries, ou Mémoires sur l'art de la guerre, de Maurice comte de Saxe, duc de Courlande, etc. Dédiés à messieurs les officiers généraux par M. de Bonneville, capitaine ingénieur de campagne de Sa Majesté le roi de Prusse. A la Haye, 1756, in-fol., p. 130-140 : Description de la Pologne, et projet de guerre pour une puissance qui se trouverait dans le cas de la faire à cette république.