<83>maines les Français lorsqu'ils les attaquent, si Thorn, si Poltawa tinrent contre les Suédois quelques mois de suite, n'en résulte-t-il pas que ces derniers ignoraient l'art de prendre des forteresses? Aucune ville ne leur résistait quand ils pouvaient la prendre l'épée à la main; la moindre bicoque les arrêtait lorsqu'il fallait ouvrir la tranchée. Et si ce n'en est pas assez de toutes ces preuves, j'ajouterai que, du caractère impétueux et violent dont était Charles XII, il aurait assiégé et pris la ville de Danzig pour la punir de quelques sujets de mécontentement qu'elle lui avait donnés; cependant, parce qu'il jugea cette entreprise au-dessus de ses forces, il ne l'assiégea point, et se contenta d'une grosse amende qu'il lui fit payer.

Revenons à présent à notre grand objet. Le siége de Poltawa une fois commencé, et le Czar s'approchant avec son armée de ses environs, Charles était encore maître de choisir l'endroit le plus convenable pour combattre son rival de gloire; il pouvait l'attendre aux bords de la Varnitza, lui disputer le passage de cette rivière, ou l'attaquer immédiatement après. Les circonstances où se trouvaient les Suédois, demandaient une prompte résolution : ou il fallait tomber tout de suite sur les Russes dès leur arrivée, ou il fallait renoncer au dessein de les combattre. Ce fut une faute irréparable de laisser au Czar le choix du poste, et de lui donner le temps de le bien préparer : il avait déjà l'avantage du nombre, c'était beaucoup; on lui abandonna celui du terrain et de l'art, c'en était trop.

Peu de jours avant l'arrivée du Czar, le roi de Suède avait été blessé au siége de Poltawa; ainsi ces reproches ne tombent que sur ses généraux. Il semble cependant que, dès qu'il eut résolu de livrer bataille, il devait abandonner ses tranchées, pour être en état de faire de plus grands efforts contre ses ennemis, certain que si la bataille était gagnée, Poltawa tombait de soi-même, et que s'il la perdait, il fallait également en lever le siége. Tant de fautes accumulées de la part des Suédois ne présageaient rien d'heureux pour le combat auquel tout le monde se préparait. Il semble que la fortune arrangea tout d'avance pour préparer le malheur qui devait arriver aux Suédois : la blessure du Roi, qui l'empêchait d'agir comme à son ordinaire, la négligence des géné-