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DE LA LITTÉRATURE ALLEMANDE. DES DÉFAUTS QU'ON PEUT LUI REPROCHER. QUELLES EN SONT LES CAUSES, ET PAR QUELS MOYENS ON PEUT LES CORRIGER.

Vous vous étonnez, monsieur, que je ne joigne pas ma voix à la vôtre pour applaudir aux progrès que fait, selon vous, journellement la littérature allemande. J'aime notre commune patrie autant que vous l'aimez, et par cette raison je me garde bien de la louer avant qu'elle ait mérité ces louanges : ce serait comme si on voulait proclamer vainqueur un homme qui est au milieu de sa course. J'attends qu'il ait gagné le but, et alors mes applaudissements seront aussi sincères que vrais.

Vous savez que dans la république des lettres les opinions sont libres. Vous envisagez les objets d'un point de vue, moi d'un autre; souffrez donc que je m'explique, et que je vous expose ma façon de penser ainsi que mes idées sur la littérature ancienne et moderne, tant par rapport aux langues, aux connaissances, qu'au goût.

Je commence par la Grèce, qui était le berceau des beaux-arts. Cette nation parlait la langue la plus harmonieuse qui eût jamais existé. Ses premiers théologiens, ses premiers historiens étaient poëtes; ce furent eux qui donnèrent des tours heureux à leur langue, qui créèrent quantité d'expressions pittoresques, et qui apprirent à leurs successeurs à s'exprimer avec grâce, politesse et décence.

Je passe d'Athènes à Rome; j'y trouve une république qui