<96>table alors; tantôt elle résistait aux armées françaises qui empiétaient sur la Germanie pour étendre l'empire des Gaules. Croit-on, lorsque les Turcs assiégeaient Vienne, ou lorsque Mélac saccageait le Palatinat, que les flammes consumaient les habitations et les villes, que l'asile de la mort même était violé par la licence effrénée des soldats, qui tiraient de leur tombeau les cadavres des électeurs pour s'en approprier les misérables dépouilles; croit-on que dans des moments où des mères désolées se sauvaient des ruines de leur patrie, en portant leurs enfants exténués d'inanition sur leurs bras, que l'on composait à Vienne, à Mannheim, des sonnetti, ou que l'on y faisait des épigrammes? Les Muses demandent des asiles tranquilles; elles fuient des lieux où règne le trouble et où tout est en subversion. Ce ne fut donc qu'après la guerre de succession que nous commençâmes à réparer ce que tant de calamités successives nous avaient fait perdre. Ce n'est donc ni à l'esprit ni au génie de la nation qu'il faut attribuer le peu de progrès que nous avons fait; mais nous ne devons nous en prendre qu'à une suite de conjonctures fâcheuses, à un enchaînement de guerres qui nous ont ruinés et appauvris autant d'hommes que d'argent.
Ne perdez pas le fil des événements; suivez la marche de nos pères, et vous applaudirez à la sagesse qui a dirigé leur conduite : ils ont agi précisément comme il était convenable à la situation où ils se trouvaient. Ils ont commencé par s'appliquer à l'économie rurale, à remettre en valeur les terres qui, faute de bras, étaient demeurées sans culture; ils ont relevé les maisons détruites; ils ont encouragé la propagation. On s'est partout appliqué à défricher des terres abandonnées; une population plus nombreuse a donné naissance à l'industrie; le luxe même s'est introduit, ce fléau des petites provinces, et qui augmente la circulation dans les grands États. Enfin voyagez maintenant en Allemagne, traversez-la d'un bout à l'autre, vous trouverez partout sur votre chemin des bourgades changées en villes florissantes : là, c'est Munster, plus loin, c'est Cassel, ici, c'est Dresde et Géra. Allez dans la Franconie, vous trouverez Würzbourg, Nuremberg. Si vous approchez du Rhin, vous passerez par Fulde et Francfort-sur-le-Main, pour aller à Mannheim, de là à Mayence