<97>et à Bonn. Chacune de ces cités présente au voyageur surpris des édifices qu'il ne croyait pas trouver dans le fond de la forêt hercynienne. La mâle activité de nos compatriotes ne s'est donc pas bornée à réparer les pertes causées par nos calamités passées; elle a su aspirer plus haut, elle a su perfectionner ce que nos ancêtres n'avaient qu'ébauché. Depuis que ces changements avantageux se sont opérés, nous voyons l'aisance devenir plus générale; le tiers état ne languit plus dans un honteux avilissement; les pères fournissent à l'étude de leurs enfants sans s'obérer. Voilà les prémices établies de l'heureuse révolution que nous attendons; les entraves qui liaient le génie de nos aïeux, sont brisées et détruites; déjà l'on s'aperçoit que la semence d'une noble émulation germe dans les esprits. Nous avons honte qu'en certains genres nous ne puissions pas nous égaler à nos voisins; nous désirons de regagner par des travaux infatigables le temps que nos désastres nous ont fait perdre; et, en général, le goût national est si décidé pour tout ce qui peut illustrer notre patrie, qu'il est presque évident avec de telles dispositions, que les Muses nous introduiront à notre tour dans le temple de la Gloire. Examinons donc ce qu'il reste à faire pour arracher de nos champs toutes les ronces de la barbarie qui s'y trouvent encore, et pour accélérer ces progrès si désirables auxquels nos compatriotes aspirent.
Je vous l'ai déjà dit, il faut commencer par perfectionner la langue : elle a besoin d'être limée et rabotée; elle a besoin d'être maniée par des mains habiles. La clarté est la première règle que doivent se prescrire ceux qui parlent et qui écrivent, parce qu'il s'agit de peindre sa pensée ou d'exprimer ses idées par des paroles. A quoi servent les pensées les plus justes, les plus fortes, les plus brillantes, si vous ne les rendez intelligibles? Beaucoup de nos auteurs se complaisent dans un style diffus; ils entassent parenthèse sur parenthèse, et souvent vous ne trouvez qu'au bout d'une page entière le verbe d'où dépend le sens de toute la phrase; rien n'obscurcit plus la construction; ils sont lâches, au lieu d'être abondants, et l'on devinerait plutôt l'énigme du sphinx que leur pensée. Une autre cause qui nuit autant aux progrès des lettres que les vices que je reproche à notre langue et au style de nos écrivains, c'est le défaut des bonnes études. Notre nation a été