<101>servi par des mercenaires, et que la fidélité et le courage de soldats possessionnés dans le pays les surpasse de beaucoup. Il est principalement dangereux de laisser languir dans l'inaction et de laisser efféminer ses sujets par la mollesse, dans le temps que les fatigues de la guerre et les combats aguerrissent ses voisins.

On a remarqué plus d'une fois que les États qui sortaient des guerres civiles ont été infiniment supérieurs à leurs ennemis, parce que tout est soldat dans une guerre civile, que le mérite s'y distingue indépendamment de la faveur, que tous les talents s'y développent, et que les hommes y prennent l'habitude de déployer ce qu'ils ont d'art et de courage.

Cependant il y a des cas qui semblent demander exemption de cette règle. Si des royaumes ou des empires ne produisent pas une aussi grande multitude d'hommes qu'il en faut pour les armées et qu'en consume la guerre, la nécessité oblige de recourir aux mercenaires, comme l'unique moyen de suppléer aux défauts de l'État.

On trouve alors des expédients qui lèvent la plupart des difficultés, et, ce que Machiavel trouve de vicieux dans cette espèce de milice, on mêle soigneusement les étrangers avec les nationaux, pour les empêcher de faire bande à part, et pour les façonner à la même discipline et à la même fidélité; et l'on porte sa principale attention sur ce que le nombre d'étrangers n'excède point le nombre des nationaux.

Il y a un roi du Nord dont l'armée est composée de cette sorte de mixtes,a et qui n'en est pas moins puissant et formidable. La plupart des troupes européennes sont composées de nationaux et de mercenaires; ceux qui cultivent les terres, ceux qui habitent les villes, moyennant une certaine taxe qu'ils payent pour l'entretien des troupes qui doivent les défendre, ne vont plus à la guerre. Les soldats ne sont composés que de la plus vile partie des peuples, de fainéants qui aiment mieux l'oisiveté que le travail, de débauchés qui cherchent la licence et l'impunité dans les troupes, de jeunes écervelés indociles à leurs parents, qui s'enrôlent par légèreté : tous ceux-là ont aussi peu d'inclination et d'attachement pour leur maître que les étrangers. Que ces troupes sont diffé-


a Voyez, t. II, p. 1 et 2.