CHAPITRE XIII.
Machiavel pousse l'hyperbole à un point extrême en soutenant qu'un prince prudent aimerait mieux périr avec ses propres troupes que de vaincre avec des secours étrangers.
Je pense qu'un homme en danger de se noyer ne prêterait pas l'oreille aux discours de ceux qui lui diraient qu'il serait indigne de lui de devoir la vie à d'autres qu'à lui-même, et qu'ainsi il devrait plutôt périr que d'embrasser la corde ou le bâton que d'autres lui tendent pour le sauver. L'expérience nous fait voir que le premier soin des hommes est celui de leur conservation, et le second, celui de leur bien-être; ce qui détruit entièrement le paralogisme emphatique de l'auteur.
En approfondissant cette maxime de Machiavel, on trouvera peut-être que ce n'est qu'une jalousie extrême qu'il suffira d'inspirer aux princes; c'est cependant la jalousie de ces mêmes princes envers leurs généraux ou envers des auxiliaires qu'ils ne voulaient pas attendre, crainte de partager leur gloire, qui de tout temps fut très-préjudiciable à leurs intérêts. Une infinité de batailles ont été perdues par cette raison, et de petites jalousies ont souvent plus fait de tort aux princes que le nombre supérieur et les avantages de leurs ennemis.
Un prince ne doit pas, sans doute, faire la guerre uniquement avec des troupes auxiliaires; mais il doit être auxiliaire lui-même, et se mettre en état de donner autant de secours qu'il en reçoit. Voilà ce que dicte la prudence : mets-toi en état de ne craindre