<12>Sous quel prétexte l'Espagne aurait-elle pu introduire des troupes en Italie, si le traité de Séville ne lui avait donné cette facilité? Comment aurait-elle pu, sans troupes, penser à la conquête du Milanais, du Mantouan, du royaume de Naples, de la Sicile? Il fallait donc avoir un pied dans le pays; il fallait y avoir des troupes, pour les augmenter selon l'occurrence; il fallait avoir des places pour former des magasins; et c'était à quoi le traité de Séville était indispensablement nécessaire. L'Espagne avait donc bien pensé à ses intérêts en le faisant, et on a pu voir que ses desseins n'étaient pas si bornés qu'on aurait cru peut-être; j'ai donc eu raison, en parlant de la conduite de l'Espagne, de ne point passer sous silence le traité de Séville.
Il me reste à présent à développer la conduite de la cour impériale. On aura dû remarquer en elle beaucoup de confiance en ses forces dans l'affaire de Pologne, quoique à la vérité elle ait voulu faire semblant de ne s'en point mêler.3 On aura pu remarquer de même cette hauteur insupportable avec laquelle elle affecta de traiter non seulement ses inférieurs, mais aussi ses égaux. On aura pu découvrir facilement que sa politique a pour but d'établir le despotisme et la souveraineté de la maison d'Autriche dans l'Empire; ce qui n'est pas si facile, vu la puissance de beaucoup d'électeurs, qu on ne saurait abaisser aisément. Cependant, imbue de préjugés superstitieux, et encouragée par une orgueilleuse témérité, la maison d'Autriche a toujours voulu accoutumer à son joug les souverains d'Allemagne; le ministère travaille sur ce plan, qui est transmis aux successeurs de l'Empire, et ces princes aussi ignorants que superstitieux se bercent vainement d'une chimère ambitieuse que l'injustice de la chose devrait leur faire détester.
Nous n'avons pas besoin de remonter jusqu'aux temps de l'empereur Ferdinand Ier et Ferdinand II pour trouver des témoignages
3 Il est notoire que les ministres de l'Empereur ont agi de concert en tout avec ceux de la Russie : qu'il avait un corps de dix-sept mille hommes campé aux frontières de la Pologne; qu'il avait corrompu le prince Lubomirski, qu'on nomme le Prince botté, qui fut l'auteur de la scission de ceux qui passèrent de Varsovie dans un village nommé Praga; et que c'est à l'instigation de l'Empereur que les troupes russiennes sont entrées en Pologne.