<13>de l'ambition démesurée de cette cour : quatre événements arrivés de nos jours nous en feront un beau commentaire.

On remarquera, premièrement, que l'Empereur, à l'insu de l'Empire, avait fait une alliance avec l'impératrice de Russie, pour mettre Auguste II sur le trône de Pologne. Il fallait donc que la guerre à laquelle cette alliance donna lieu fût vidée par l'Empereur, et non par l'Empire, qui ne participait en rien aux démarches de l'Empereur. Cependant on a vu que, par ces intrigues, la cour de Vienne a trouvé moyen de mêler l'Empire dans la guerre, qui n'impliquait directement que l'empereur de Russie; en quoi l'Empereur a donné manifestement atteinte à l'article IV4 de sa capitulation.

L'Empereur a péché, secondement, contre l'article VI5 de sa capitulation, en ce que, contre les lois fondamentales de l'Empire, il a appelé le secours des puissances étrangères en Allemagne, l'impératrice de Russie lui ayant envoyé un corps de dix mille hommes au Rhin.

On verra, en troisième lieu, que le traité entamé avec la France, et dont les préliminaires ont été signés sans la confirmation de l'Empire, porte une atteinte et un préjudice à l'article VI6 de la capitulation impériale.

L'Empereur a fait, en quatrième lieu, une infraction contre l'article X7 de sa capitulation, en ce qu'il a aliéné le duché de Lorraine, qui, étant un fief de l'Empire, ne saurait, selon les constitutions fondamentales de l'Empire, être séparé ou retranché du corps germanique sans le consentement formel de la diète et des états.

On pourrait encore reprocher à l'Empereur la guerre qu'il a déclarée aux Turcs, et les subsides qu'il a exigés de l'Empire au sujet de cette guerre; mais cela m'engagerait dans de trop grands détails, et j'ai encore quelques réflexions plus importantes à faire.

Nous avons jugé à présent des causes par leurs événements; il nous reste encore à juger des événements que nous avons à attendre par les causes que nous pouvons pénétrer.

Il ne s'agit pas simplement d'approfondir les secrets de la politique et de porter un regard profane jusque dans le sanctuaire des ministres; il faut encore observer les voies différentes que suivent les ministres pour parvenir à leurs fins. Rien ne fait mieux connaître le caractère des cours que de remarquer les façons différentes dont leur politique agit sur les mêmes sujets; leurs passions, leurs finesses, leurs ruses, leurs vices et leurs bonnes qualités, tout s'y découvre.

Pour bien juger des ministres de l'Empereur et de ceux de France, mettons leur conduite en parallèle, et voyons comment, dans les affaires de la Pologne, ils ont tenu des routes différentes;


4 ART. IV. (Kaiser Carls des Sechsten Wahl-Capitulation. Mit nöthigen Anmerkungen. Leipzig, bei Thomas Fritsch, 1725, in-4, p. 32). Nous devons et voulons, dans toutes les délibérations sur les affaires qui concernent l'Empire, surtout celles qui sont exprimées dans l'instrumentum pacis, que les électeurs et princes jouissent du droit de suffrage, et que rien ne puisse être entrepris ni conclu sans leur libre consentement. Nous devons et voulons pendant notre règne vivre en paix avec les puissances chrétiennes qui sont nos voisins, ne point leur donner occasion d'avoir des contestations avec l'Empire. Nous éviterons d'impliquer l'Empire dans des guerres étrangères. Nous nous abstiendrons entièrement de tout secours dont il pourrait résulter du dommage à l'Empire, de toute dispute, guerre, soit dans, soit hors de l'Empire. sous quelque prétexte que ce soit, à moins que cela n'arrivé par te consentement des électeurs, princes et états, donné dans une diète, ou au gré des électeurs.

5 ART. VI. (l. c., p. 41). Nous devons et voulons, en qualité d'Empereur élu roi des Romains, pour ce qui regarde les affaires de l'Empire, avant d'en avoir obtenu le consentement des électeurs, princes ou états, dans une diète, comme l'intérêt de l'État demande quelquefois de la célérité et de la promptitude, nous devons et voulons obtenir ce consentement à un temps marqué, et cela dans une assemblée collégiale, et non par des déclarations particulières, jusqu'à ce qu'on puisse parvenir à une diète générale, comme cela se pratique dans les autres affaires qui concernent la sûreté de l'Empire. S'il arrivait que nous lissions quelque alliance à l'égard de nos terres particulières, cela n'arrivera qu'autant que cela ne portera aucun préjudice à l'Empire. ni ne sera opposé au contenu de l'instrumentum pacis.

6 Vovez, à la fin de la note précédente.

7 ART. X. (l. c., p. 59). De plus, nous ne devons et ne voulons ni donner, troquer, aliéner, ni molester par des impôts rien de ce qui appartient à l'Empire, sans la volonté et le consentement des électeurs, princes et états : mais nous devons et voulons nous abstenir de tout ce qui pourrait donner occasion à quelque exemption ou retranchement de quelques parties de l'Empire : nous voulons surtout nous abstenir de tous priviléges ou immunités exorbitantes, et nous appliquer au contraire avec beaucoup de soin à acquérir de nouveau et à conserver ensuite les principautés engagées ou aliénées, les terres confisquées ou tombées par voie illégitime en des mains étrangères.