CHAPITRE VIII.
On regarde en Europe les Philippiques de M. de La Grangea comme un des libelles diffamatoires les plus forts qui se soient composés, et l'on n'a pas tort. Cependant ce que j'ai à dire contre Machiavel est plus vif que ce qu'a dit M. de La Grange, car son ouvrage n'était proprement qu'une calomnie contre le régent de la France, et ce que j'ai à reprocher à Machiavel sont des vérités. Je me sers de ses propres paroles pour le confondre. Que pourrais-je dire de lui de plus atroce, sinon qu'il a donné des règles de politique pour ceux que leurs crimes élèvent à la grandeur suprême? C'est le titre de ce chapitre.
Si Machiavel enseignait le crime dans un séminaire de scélérats, s'il dogmatisait la perfidie dans une université de traîtres, il ne serait pas étonnant qu'il traitât des matières de cette nature; mais il parle à tous les hommes. Car un auteur qui se fait imprimer se communique à tout l'univers; et il s'adresse principalement à ceux d'entre les humains qui doivent être les plus vertueux, puisqu'ils sont destinés à gouverner les autres. Qu'y a-t-il donc de plus infâme, de plus insolent, que de leur enseigner la trahison, la perfidie, le meurtre et tous les crimes? Il serait plutôt à souhaiter, pour le bien de l'univers, que des exemples pareils à ceux d'Agathocles et d'Oliverotto de Fermo, que Machiavel se fait un plaisir de citer, ne se rencontrassent jamais, ou du moins que l'on pût en effacer le souvenir à perpétuité de la mémoire des hommes.
a Voyez t. VII, p. 60.