<204>à mort Charles Ier, puisqu'il empiétait sur leurs droits, plièrent la roideur de leur courage sous la puissance altière de leur protecteur. Ce ne sont donc point ces républiques qui se sont donné des maîtres par leur choix, mais des hommes entreprenants qui, aidés de quelques conjonctures favorables, les ont soumises contre leur volonté et par force.
De même que les hommes naissent, vivent un temps, et meurent par maladies ou par l'âge, de même les républiques se forment, fleurissent quelques siècles, et périssent enfin par l'audace d'un citoyen ou par les armes de leurs ennemis. Tout a son période, tous les empires et les plus grandes monarchies même n'ont qu'un temps, et il n'est rien dans l'univers qui ne soit assujetti aux lois du changement et de la destruction. Le despotisme porte le coup mortel à la liberté, et il termine tôt ou tard le sort d'une république. Les unes se soutiennent plus longtemps que les autres, selon la force de leur tempérament; elles reculent, autant qu'il dépend d'elles, le moment fatal de leur ruine, et se servent de tous les remèdes qu'indique la sagesse pour prolonger leur destinée; mais il faut céder enfin aux lois éternelles et immuables de la nature, et il faut qu'elles périssent lorsque la chaîne des événements entraîne leur perte.
Ce n'est pas, d'ailleurs, à des hommes qui savent ce que c'est d'être heureux, et qui veulent l'être, qu'on doit proposer de renoncer à la liberté.
On ne persuadera jamais à un républicain, à Caton ou à Littleton, que le gouvernement monarchique est la meilleure forme de gouvernement lorsqu'un roi a l'intention de remplir son devoir, puisque sa volonté et sa puissance rendent sa bonté efficace. J'en conviens vous dira-t-il; mais où trouver ce phénix des princes? C'est l'homme de Platon, c'est la Vénus de Médicis qu'un sculpteur habile forma de l'assemblage de quarante beautés différentes, et qui n'exista jamais qu'en marbre. Nous savons ce que comporte l'humanité, et qu'il est peu de vertus qui résistent à la puissance illimitée de satisfaire ses désirs, et aux séductions du trône. Votre monarchie métaphysique serait un paradis sur la terre, s'il en existait une; mais le despotisme, comme il est réellement, change du plus au moins ce monde en véritable enfer.