<208>plus formidable, le plus puissant prince de l'Europe, si Louis XIV fut sur le point de succomber dans la guerre de la succession d'Espagne, et que, faute d'alliances, il ne put presque plus résister à la ligue redoutable d'une infinité de rois et de princes, qui pensa l'accabler, à plus forte raison tout souverain qui lui est inférieur ne peut-il, sans hasarder beaucoup, demeurer isolé et sans avoir de bonnes et de fortes alliances.
On dit, et cela se répète sans beaucoup de réflexion, que les traités sont inutiles, puisqu'on n'en remplit presque jamais tous les points, et qu'on est moins scrupuleux là-dessus dans notre siècle qu'en tout autre. Je réponds à ceux qui pensent ainsi, que je ne doute nullement qu'ils ne trouvent des exemples anciens et même très-récents de princes qui n'ont point rempli exactement leurs engagements; mais cependant qu'il est toujours très-avantageux de faire des traités, que les alliés que vous vous faites seront, si ce n'est autre chose, autant d'ennemis que vous aurez de moins, et que, s'ils ne vous sont d'aucun secours, vous les réduisez toujours certainement à observer une exacte neutralité.
Machiavel parle ensuite des principini, de ces souverains en miniature qui, n'ayant que de petits États, ne peuvent point mettre d'armée en campagne; et l'auteur appuie beaucoup sur ce qu'ils doivent fortifier leur capitale, afin de s'y enfermer avec leurs troupes en cas de guerre.
Les princes dont parle Machiavel ne sont proprement que des hermaphrodites de souverains et de particuliers; ils ne jouent le rôle de grands seigneurs qu'avec leurs domestiques. Ce qu'on pourrait leur conseiller de meilleur serait, ce me semble, de diminuer en quelque chose l'opinion infinie qu'ils ont de leur grandeur, de la vénération extrême qu'ils ont pour leur ancienne et illustre race, et du zèle inviolable qu'ils ont pour leurs armoiries. Les personnes sensées disent qu'ils feraient mieux de ne figurer dans le monde que comme des particuliers qui sont bien à leur aise, de quitter une bonne fois les échasses sur lesquelles leur orgueil les monte, de n'entretenir tout au plus qu'une garde suffisante pour chasser les voleurs de leurs châteaux, en cas qu'il y en eût d'assez affamés pour y chercher subsistance, et de raser les