<296>décider de leurs droits et à juger de la validité de leurs raisons. Les souverains plaident les armes à la main, et ils obligent, s'ils peuvent, leurs envieux de laisser un libre cours à la justice de leur cause. C'est donc pour maintenir l'équité dans le monde, et pour éviter l'esclavage, que ces sortes de guerres se font; ce qui en rend l'usage sacré et d'une utilité indispensable.

Il y a des guerres offensives qui sont aussi justes que celles dont nous venons de parler : ce sont des guerres de précaution, et que les princes font sagement d'entreprendre, lorsque la grandeur excessive des plus grandes puissances de l'Europe semble près de se déborder, et menace d'engloutir l'univers. On voit un orage qui se forme, on ne saurait le conjurer seul; ainsi on se réunit à tous ceux qu'un commun danger met dans les mêmes intérêts. Si les autres peuples se fussent réunis contre la puissance romaine, jamais elle n'aurait pu bouleverser tant de grands empires; une alliance sagement projetée et une guerre vivement entreprise auraient fait avorter ces desseins ambitieux dont l'accomplissement enchaîna l'univers.

La prudence veut que l'on préfère les petits maux aux plus grands, et que l'on agisse tandis qu'on en est maître. Il vaut donc mieux de s'engager dans une guerre offensive lorsqu'on est libre d'opter entre la branche d'olive et la branche de laurier, que d'attendre jusqu'à ces temps désespérés où une déclaration de guerre ne peut que retarder de quelques moments l'esclavage entier et la ruine. Quoique cette situation soit fâcheuse pour un souverain, il ne saurait cependant mieux faire que de se servir de ses forces avant que les arrangements de ses ennemis, lui liant les mains, lui en fassent perdre le pouvoir. Les alliances peuvent aussi engager les princes à entrer dans les guerres de leurs alliés en leur fournissant le nombre de troupes auxiliaires dont ils sont convenus par les traités. Comme les souverains ne sauraient se passer d'alliances, puisqu'il y en a peu ou point qui puissent se soutenir par leurs propres forces, ils s'engagent à se donner un secours mutuel en cas de besoin, et à s'assister réciproquement par un nombre de troupes déterminé; ce qui contribue à leur conservation ainsi qu'à leur sûreté. C'est donc l'événement qui décide lequel des alliés retirera les fruits de l'alliance. Mais comme l'oc-