DISSERTATION SUR L'INNOCENCE DES ERREURS DE L'ESPRIT.
Monsieur, je me crois obligé de vous rendre raison de mon loisir et de l'usage que je fais de mon temps. Vous connaissez le goût que j'ai pour la philosophie; c'est une passion chez moi, elle accompagne fidèlement tous mes pas. Quelques amis qui connaissent en moi ce goût dominant, soit pour s'y accommoder, soit qu'ils y trouvent plaisir eux-mêmes, m'entretiennent souvent sur des matières spéculatives de physique, de métaphysique ou de morale. Nos conversations sont d'ordinaire peu remarquables, parce qu'elles roulent sur des sujets connus, ou qui sont au-dessous de l'œil éclairé des savants. La conversation que j'eus hier au soir avec Philante me parut plus digne d'attention; elle portait sur un sujet qui intéresse et partage presque tout le genre humain. Je pensai d'abord à vous; il me sembla que je vous devais cette conversation. Je montai incontinent dans ma chambre au retour de la promenade; les idées toutes fraîches et l'esprit plein de notre discours, je le couchai par écrit le mieux qu'il me fut possible. Je vous prie, monsieur, de m'en dire votre sentiment, et, si je suis assez heureux pour l'avoir rencontré, votre sincérité sera le salaire de mes peines : je me trouverai richement récompensé, si mon travail ne vous est pas désagréable.
Il faisait hier le plus beau temps du monde; le soleil brillait d'un feu plus beau qu'à l'ordinaire; le ciel était si serein, qu'on