<35>dit-il, être parvenu à trouver un rapport exact entre les êtres qui existent réellement ou qui ont existé, avec nos idées, entre les faits passés ou présents, et les notions que nous en avons. - Suivant cela, mon cher Philante, nous pouvons peu nous flatter de connaître des vérités; elles sont presque toutes douteuses, lui dis-je, et il n'y a, selon la définition que vous venez de me faire vous-même, il n'y a que deux ou trois vérités tout au plus qui soient incontestables. Le rapport des sens, qui est ce que nous avons presque de plus sûr, n'est point exempt d'incertitudes. Nos yeux nous trompent lorsqu'ils nous peignent ronde de loin une tour que nous trouvons carrée en en approchant Nous croyons quelquefois entendre des sons qui n'ont lieu que dans notre imagination, et qui ne consistent que dans une impression sourde faite sur nos oreilles. L'odorat n'est pas moins infidèle que les autres sens; il semble quelquefois qu'on sente des odeurs de fleurs dans des prairies ou dans des bois, qui n'y sont pas cependant. Et à présent que je vous parle, je m'aperçois, au sang qui coule de ma main, qu'un moucheron m'a piqué; la chaleur du discours m'a rendu insensible à cette douleur, l'attouchement m'a fait faux bond. Si donc ce que nous avons de moins douteux l'est si fort, comment pouvez-vous parler avec tant de certitude des matières abstraites de la philosophie? - C'est, repartit Philante, qu'elles sont évidentes, et que le système de Copernic est confirmé par l'expérience : les révolutions des planètes y sont marquées avec une précision admirable, les éclipses y sont calculées avec une justesse merveilleuse; enfin ce système explique parfaitement l'énigme de la nature. - Mais que diriez-vous, repartis-je, si je vous faisais voir un système très-différent assurément du vôtre, et qui, par un principe évidemment faux, explique les mêmes merveilles que celui de Copernic?- Je vous attends aux erreurs des Malabares, reprit Philante. - C'est justement de leur montagne que j'allais vous parler; mais, erreur tant qu'il vous plaira, ce système, mon cher Philante, explique parfaitement bien les opérations astronomiques de la nature; et il est étonnant que, partant d'un point aussi absurde que l'est celui de supposer le soleil uniquement occupé à faire le tour d'une grande montagne qui se trouve dans le pays de ces barbares, ces astronomes aient