<6>La guerre se fit très-nonchalamment en Allemagne, d'un côté, parce que la politique de la cour de Versailles ne voulait point donner d'ombrage aux puissances maritimes, qui se seraient indubitablement déclarées en faveur de l'Empereur, si elles avaient vu ses affaires à l'extrémité; et, d'un autre côté, par une complication de raisons différentes, dont chaque campagne en fournissait de particulières, et qui mettaient l'Empereur hors d'état d'agir vigoureusement sur le Rhin.
En Italie, les Espagnols s'emparaient du royaume de Naples et de la Sicile, tandis que les Français avec les troupes piémontaises s'emparaient du Milanais et de presque toute la Lombardie; et comme c'était une clause du traité des trois couronnes alliées de partager les dépouilles de l'Empereur en Italie, ces puissances se donnaient tous les mouvements imaginables pour mettre en exécution leurs vastes desseins. Mais j'ose assurer que ce qui contribua le plus aux heureux succès des alliés, ce fut le mauvais état dans lequel se trouvaient toutes les provinces de l'Empereur. La raison de la chute des plus grands empires a toujours été la même : elle s'est toujours trouvée dans la faiblesse de la constitution des États. La décadence de l'empire romain trouva son période marqué dans le temps qu'il n'y eut plus d'ordre parmi les troupes, que la discipline fut anéantie, et qu'on négligea les précautions que la prudence dicta pour la sûreté des États. La perte que l'Empereur vient de faire en Italie est fondée sur les mêmes principes : point d'armée pour fermer le passage à l'ennemi, point de magasins ni de troupes suffisantes pour garder les forteresses, point de généraux habiles pour défendre les places. Enfin l'Empereur, au bout de trois campagnes, perdit ce qu'il n'avait acquis que par huit années de guerres consécutives.
On s'imaginerait qu'après tant de défaites ce serait à l'Empereur à solliciter la paix; mais qu'on ne s'y trompe point, et qu'on apprenne à mieux connaître l'esprit pacifique et désintéressé du cardinal ministre. Que ceci soit dit à l'honneur de la France et en témoignage de sa modération : ces vainqueurs chargés de lauriers, et apparemment fatigués de leurs victoires, offrent la paix à l'Empereur, leur ennemi vaincu.
Il est à présumer que M. de Villars aura communiqué son