<109>RÉPONSE. L'amour de ma conservation m'oblige à veiller à ma santé. Je sais que rien ne la ruine plus que les excès de l'amour; je dois donc être sur mes gardes pour ne point épuiser mes forces, pour ne point m'attirer de maladie fâcheuse qui rendrait ma florissante jeunesse languissante, valétudinaire et misérable. J'aurais le cruel reproche à me faire d'être l'homicide de moi-même; de sorte que si l'intérêt de la volupté m'entraîne, l'intérêt de ma conservation m'arrête.

DEMANDE. Je n'ai rien à répliquer à ces raisons. Mais si vous êtes si rigide envers vous-même, vous serez sans doute dur envers les autres?

RÉPONSE. Je ne suis pas dur envers moi-même, je ne suis que sage; je ne me refuse que les choses nuisibles à ma santé, à ma réputation, à mon honneur, et, bien loin d'être insensible, je compatis à tous les maux de mes semblables. Je ne m'y borne pas, je tâche de les assister et de leur rendre tous les services qui dépendent de moi, soit en les secourant de mon bien dans leur indigence, soit en les conseillant dans leurs embarras, soit en découvrant leur innocence quand on les calomnie, soit en les recommandant lorsque j'en trouve l'occasion.

DEMANDE. Si vous donnez beaucoup en aumônes, vous épuiserez vos fonds.

RÉPONSE. Je donne selon mes moyens. C'est un capital qui rapporte au centuple par le sensible plaisir que l'on éprouve en soulageant un malheureux.

DEMANDE. Mais on risque plus quand on se rend le défenseur des opprimés.

RÉPONSE. Verrai-je l'innocence persécutée sans l'assister? Moi, sachant et pouvant servir de témoin contre la fausseté de l'accusation, je trahirais la vérité, pouvant la faire connaître, et je manquerais à tous les devoirs de l'honnête homme, par insensibilité ou par faiblesse!

DEMANDE. Cependant, vu comme le monde va, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.

RÉPONSE. Pour l'ordinaire, c'est la manière dure de dire la vérité qui la rend odieuse; mais en l'annonçant modestement et sans faste, il est rare qu'elle soit mal reçue. Enfin j'éprouve le