<111>propre, et non de quoi le ravaler : plus je trouve en moi de traces de justice, de générosité, de noblesse, de reconnaissance, de grandeur d'âme, plus je suis satisfait.
DEMANDE. Mais cette reconnaissance, vous l'étendez envers la patrie; que lui devez-vous?
RÉPONSE. Tout, mes faibles talents, mes soins, mon amour, ma vie.
DEMANDE. Il est vrai que l'amour de la patrie a produit en Grèce comme à Rome les plus belles actions. C'était par ce principe, et tant que les lois de Lycurgue furent observées, que Lacédémone soutint son empire; c'était par une suite de cet attachement inviolable pour leur patrie que la république romaine éleva des citoyens qui la rendirent maîtresse du monde. Mais comment combinez-vous votre intérêt avec celui de votre patrie?
RÉPONSE. Je le combine sans peine, parce que toute belle action enchaîne et entraîne sa récompense à sa suite. Ce que je sacrifie de mon intérêt, je le regagne en réputation; et la patrie, en bonne mère, se trouve même d'ailleurs obligée de récompenser les services qu'on lui rend.
DEMANDE. En quoi peuvent consister ces services?
RÉPONSE. Ils sont innombrables. On peut être utile à sa patrie en élevant ses enfants avec les principes de bons citoyens et d'honnêtes gens, en perfectionnant l'agriculture sur ses terres, en administrant la justice équitablement et avec impartialité, en maniant les deniers publics avec désintéressement, en tâchant d'illustrer son siècle par sa vertu ou par ses lumières, en embrassant le métier des armes par un pur sentiment d'honneur, en renonçant à la mollesse en faveur de la vigilance et de l'activité, à l'intérêt en faveur de la réputation, à la vie en faveur de la gloire, en acquérant toutes les connaissances qui sont nécessaires pour réussir dans cet art si difficile, afin de pouvoir défendre les intérêts de ma patrie au péril de mes jours. Voilà mes devoirs.
DEMANDE. C'est vous charger de bien des soins et des peines.
RÉPONSE. La patrie réprouve les citoyens qui lui sont inutiles, c'est un fardeau qui la surcharge. Par une convention tacite, tout membre doit contribuer au bien de la grande famille, qui est l'État; et comme on émonde dans les plants d'arbres les rameaux