<119>autant qu'on le pense de la rouille pédantesque. On n'enseigne plus, à la vérité, les quiddités d'Aristote, ni les universaux a parte rei; doctissimus, sapientissimus Wolffiusa a remplacé de nos jours cet ancien héros de l'école, et l'on substitue aux formes substantielles les monades et l'harmonie préétablie, système aussi absurde et aussi inintelligible que celui qu'on a abandonné. Ni plus ni moins, les professeurs répètent ce galimatias, parce qu'ils s'en sont rendu les termes familiers, et parce que c'est la coutume d'être wolffien.
Je me trouvai un jour en compagnie avec un de ces philosophes, le plus entêté des monades; j'osai lui demander humblement s'il n'avait jamais jeté un coup d'œil sur les ouvrages de Locke. J'ai tout lu, reprit-il brusquement. - Je sais, monsieur, lui dis-je, que vous êtes payé pour ne rien ignorer; mais que pensez-vous de ce Locke? - C'est un Anglais, répondit-il sèchement. - Tout Anglais qu'il est, ajoutai-je, il me paraît bien sage; il ne quitte jamais le fil de l'expérience pour se conduire dans les ténèbres de la métaphysique; il est prudent, il est intelligible, ce qui est un grand mérite pour un métaphysicien, et je crois à toute force qu'il pourrait bien avoir raison. A ces paroles, le rouge monta au visage de mon professeur; une colère très-peu philosophique se manifesta dans son regard et par ses gestes, et il me soutint d'une voix plus animée qu'à l'ordinaire qu'ainsi que chaque pays avait son climat différent, chaque État devait avoir son philosophe national. Je repartis que la vérité était de tout pays, et qu'il serait à souhaiter qu'il nous en vînt beaucoup, dût-elle passer pour contrebande aux universités. Au reste, la partie de la géométrie n'est pas aussi cultivée en Allemagne que dans les autres pays de l'Europe. On prétend que les Germains n'ont point de têtes géométriques, ce qui certainement est faux : les noms de Leibniz et de Copernic prouvent le contraire. La cause en est, ce me semble, que cette science manque d'encouragement et surtout de professeurs assez habiles pour l'enseigner.
Je reviens à présent à la jeune noblesse, que nous avons quittée au sortir des académies et des universités. C'est le moment où les parents décident du parti que leurs enfants doivent
a Voyez t. I, p. 263 et 268, t. II, p. 43, et t. VII, p. 121.