EXAMEN DE L'ESSAI SUR LES PRÉJUGÉS.
Je viens de lire un livre intitulé Essai sur les préjugés. En l'examinant, ma surprise a été extrême de trouver qu'il en était rempli lui-même. C'est un mélange de vérités et de faux raisonnements, de critiques amères et de projets chimériques, débités par un philosophe enthousiaste et fanatique. Pour vous en rendre un compte exact, je me verrai obligé d'entrer en quelque détail; cependant, comme je n'ai point de temps à perdre, je me bornerai à quelques remarques sur les objets les plus importants.
Je m'attendais à trouver de la sagesse et beaucoup de justesse de raisonnement dans l'ouvrage d'un homme qui affiche le philosophe à chaque page; je me figurais de n'y trouver que lumière et qu'évidence : cela en est bien éloigné. L'auteur se représente le monde à peu près tel que Platon avait imaginé sa république, susceptible de la vertu, du bonheur et de toutes les perfections. J'ose l'assurer qu'il n'en est pas ainsi dans le monde que j'habite : le bien et le mal s'y trouvent mêlés partout, le physique et le moral se ressentent également des imperfections qui le caractérisent. Il affirme magistralement que la vérité est faite pour l'homme, et qu'il la lui faut dire en toutes les occasions. Ceci mérite d'être examiné. Je m'appuierai sur l'expérience et sur l'analogie pour lui prouver que les vérités de spéculation, bien loin de paraître faites pour l'homme, se dérobent sans cesse à ses recherches les plus pénibles; c'est un aveu humiliant pour l'amour-propre, que la force de la vérité m'arrache. La vérité