<143>Apprenez, ennemi des rois, apprenez, Brutus moderne, que les rois ne sont pas les seuls qui font la guerre; les républiques en ont fait de tout temps. Ignorez-vous que celle des Grecs, dans des dissensions continuelles, fut sans cesse en proie aux guerres civiles? Ses annales contiennent une suite continuelle de combats contre les Macédoniens, les Perses, les Carthaginois et les Romains, jusqu'au temps que la ligue des Étoliens accéléra sa ruine entière. Ignorez-vous qu'aucune monarchie n'a été plus guerrière que la république romaine? Pour vous faire une récapitulation de tous ses faits d'armes, je serais obligé de vous copier son histoire d'un bout à l'autre. Passons aux républiques modernes. Celle des Vénitiens a combattu contre celle de Gênes, contre les Turcs, contre le pape, contre les Empereurs, et contre votre Louis XII. Les Suisses ont soutenu des guerres contre la maison d'Autriche et contre Charles le Hardi, duc de Bourgogne; et, pour me servir de vos nobles expressions, plus bouchers que les rois, ne vendent-ils pas leurs citoyens au service des princes qui se battent? L'Angleterre, autre république, je ne vous en dis rien; vous savez par expérience si cette puissance fait la guerre, et comme elle la fait. Les Hollandais, depuis la fondation de leur république, se sont mêlés de tous les troubles de l'Europe. La Suède a fait autant de guerres dans un temps donné, étant république, qu'elle en a entrepris étant monarchie. Quant à la Pologne, je vous demande ce qui s'y passe à présent, ce qui s'y est passé dans ce siècle, et si vous croyez qu'elle a joui d'une paix perpétuelle. Tous les gouvernements de l'Europe et de tout l'univers, j'en excepte les quakers, sont donc, selon vos principes, des gouvernements tyranniques et barbares. Pourquoi donc accuser les monarchies seules de ce qu'elles ont de commun avec las républiques?
Vous déclamez contre la guerre. Elle est funeste en elle-même; mais c'est un mal comme ces autres fléaux du ciel qu'il faut supposer nécessaires dans l'arrangement de cet univers, parce qu'ils arrivent périodiquement, et qu'aucun siècle n'a pu se vanter jusqu'à présent d'en avoir été exempt. Si vous voulez établir une paix perpétuelle, transportez-vous dans un monde idéal où le tien et le mien soient inconnus, où les princes, leurs ministres et