<144>leurs sujets soient tous sans passions, et où la raison soit généralement suivie; ou bien associez-vous aux projets de défunt l'abbé de Saint-Pierre;a ou, si cela vous répugne, parce qu'il a été prêtre, laissez aller les choses leur train; car dans ce monde-ci il faut vous attendre qu'il y aura des guerres, comme il y en a toujours eu depuis que les actions des hommes nous ont été transmises et connues.
Voyons à présent si vos exagérations vagues contre le gouvernement français ont quelque fondement. Vous accusez Louis XV, en le désignant et sans le nommer, qu'il n'a entrepris que des guerres injustes. Ne pensez pas qu'il suffise d'avancer de tels faits avec autant d'effronterie que d'impudence; il faut les prouver, ou, tout philosophe que vous voulez paraître, vous passerez pour un insigne calomniateur. Examinons donc les pièces du procès, et jugeons si les raisons qui ont déterminé Louis XV aux guerres qu'il a entreprises ont été mauvaises ou valables. La première qui se présente est celle de 1733. Son beau-père est élu roi de Pologne. L'empereur Charles VI, ligué avec la Russie, s'oppose à cette élection. Le roi de France, ne pouvant atteindre à la Russie, attaque Charles VI pour soutenir les droits de son beau-père deux fois élevé sur le même trône; et ne pouvant prévaloir en Pologne, il procure en dédommagement la Lorraine au roi Stanislas. Condamnera-t-on un beau-fils qui assiste son beau-père, un roi qui soutient les droits d'une nation libre dans ses élections, un prince qui empêche des puissances de s'arroger le droit de donner des royaumes? A moins que d'être transporté d'une animosité et d'une haine implacable, il est impossible de blâmer jusqu'ici la conduite de ce prince.
La seconde guerre commença en 1741; elle se fit pour la succession de la maison d'Autriche, dont l'empereur Charles VI, dernier mâle de cette maison, venait de mourir. Il est certain que cette fameuse pragmatique sanction sur laquelle Charles VI fondait ses espérances ne pouvait déroger aux droits des maisons de Bavière et de Saxe à la succession, ni porter le moindre préjudice aux prétentions que la maison de Brandebourg formait sur quelques duchés de la Silésie. Il était très-vraisemblable, au com-
a Voyez ci-dessus, p. 36